Les réseaux sociaux, bloqués depuis quatre ans quand ils avaient contribué à la mobilisation contre la réélection de Mahmoud Ahmadinejad, ont réussi à reprendre du service cette année pour appeler les abstentionnistes à participer à la présidentielle vendredi.

«Je vais voter», affirme Rahele sur sa page, «même s'il y a un pour cent de chance que mon vote compte et même si je dois choisir entre la peste et le choléra», alors que la liste des six candidats encore en course jeudi comporte en majorité des conservateurs proches du guide suprême Ali Khamenei.

En juin 2009, la Toile s'était enflammée à l'annonce de la victoire de M. Ahmadinejad. Les appels à manifester lancés par les deux candidats réformateurs Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karoubi avaient été notamment relayés sur Facebook et Twitter.

L'accès à ces sites, ainsi que la plateforme de partage YouTube ou les sites en lignes des médias internationaux sont depuis bloqués. Mais les internautes accèdent à la Toile grâce à des logiciels permettant de contourner la censure.

La contestation, qualifiée de «sédition» avait été sévèrement réprimée par le pouvoir, poussant certains militants pro-réformes à jurer de ne plus participer à un processus électoral qu'ils estimaient truqué.

Les internautes ont été renforcés dans leurs convictions quand un seul réformateur, Mohammad Reza Aref, a été autorisé à se présenter. Mais la campagne réussie de M. Aref a poussé certains utilisateurs de Facebook à insérer le slogan «Je vote» sur leur profil couvert d'un fond vert, couleur de la contestation de 2009. L'ascension du modéré Hassan Rohani, le retrait de M. Aref mardi puis son adoubement par les ex-présidents Rafsandjani (modéré) et Khatami (réformateurs) a accentué le mouvement.

M. Rafsandjani, un pilier du régime iranien écarté de la course cette année, a appelé mercredi les électeurs à participer au vote malgré «les doutes», assurant que «les sondages montrent que M. Rohani est en tête», selon l'agence Mehr.

Le violet et la clé

Sur sa page Facebook, un jeune homme explique qu'il ira voter «Pour l'espoir». «J'ai de l'espoir et vous me dites de ne pas voter?», ajoute-t-il.

D'autres ont adopté le violet, couleur choisie par Hassan Rohani, et comme emblème une clé comme celle brandie dans ses réunions par M. Rohani et qui doit ouvrir la porte des solutions pour l'Iran.

Sur sa page, Ali assure qu'il votera «pour Rohani, même si je ne le connais pas et que je ne voulais pas voter jusqu'à hier. Je voterai parce que le consensus de ceux qui veulent sauver l'Iran est en faveur de Rohani».

La campagne s'est également emballée par SMS, dont l'un cite M. Aref déclarant que son retrait est «le vrai message de la réforme».

«En votant pour Rohani, respectez ce geste avec une participation massive», ajoute le message.

Les réformateurs ne sont pourtant pas seuls sur la Toile, et le maire de Téhéran Mohammad Bagher Ghalibaf et le chef des négociateurs iraniens dans le dossier nucléaire Saïd Jalili, soutenu par l'aile dure du régime, ont aussi des comptes Twitter associés à leurs noms.

Pour l'analyste Reza Marashi, du Conseil national irano-américain basé à Washington, «les chances de M. Jalili augmenteront beaucoup si les électeurs restent chez eux», car son électorat religieux et très conservateur, lui, se déplacera.

Le guide suprême, qui assure ne favoriser aucun des candidats, a aussi appelé à une participation massive. «Certains ne veulent peut-être pas soutenir la République islamique pour une quelconque raison, mais, pour leur pays, ils doivent aussi aller voter», a-t-il affirmé.

De son côté, Google a dénoncé mercredi des tentatives de vols de mots de passe des comptes de dizaines de milliers d'Iraniens.

«Les cibles et le moment choisis suggèrent que ces attaques ont une motivation politique en lien avec l'élection présidentielle iranienne de vendredi», a affirmé le vice-président du géant de l'internet américain Eric Grosse, sur son blogue, soulignant que ces campagnes étaient «menées depuis l'Iran».