Après trois tentatives manquées, Israël a assassiné hier après-midi le chef de l'aile militaire du Hamas, Ahmad Jabaari. La frappe aérienne qui a tué le chef des Brigades Ezzedine Al-Qassam a marqué le début de la plus grande offensive militaire israélienne dans la bande de Gaza depuis la controversée opération Plomb durci de 2008-2009, qui avait fait plus de 1400 morts.

Baptisée opération Pilier de défense, l'offensive militaire lancée hier vise, selon le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, à «frapper douloureusement» le commandement du Hamas, qui contrôle la bande de Gaza depuis 2007, et à réduire la capacité du groupe islamiste d'attaquer Israël, notamment en détruisant les lance-missiles à partir desquels une centaine de roquettes ont été propulsées vers le territoire israélien au cours de la dernière semaine.

C'est vers 16h hier que le Tsahal a lancé une attaque aérienne contre une voiture dans laquelle se trouvaient Ahmad Jabaari et son garde du corps, aussi tué sur le coup. Ancien militant du Fatah qui s'est joint au Hamas après avoir passé 13 ans dans une prison israélienne, Ahmad Jabaari a joué un rôle central dans l'enlèvement du soldat israélien Gilad Shalit, en 2006, ainsi que dans la négociation de sa libération en échange de prisonniers palestiniens l'an dernier. Hier, les autorités israéliennes, qui le poursuivaient depuis de longues années, ont affirmé l'avoir éliminé pour «une décennie d'activités terroristes».

Selon la porte-parole du Tsahal, Avital Leibovich, «près de 20 autres cibles» ont été bombardées par la suite dans la bande de Gaza lors d'une attaque aérienne et navale d'envergure. D'après le Hamas et des sources médicales, plus de 60 raids ont frappé le territoire palestinien après l'élimination de Jabaari. Au moins neuf personnes ont été tuées lors de l'offensive, dont un enfant de 7 ans.

En conférence de presse, Benyamin Nétanyahou n'a pas exclu la possibilité d'une attaque terrestre, en affirmant que l'opération pourrait «s'étendre» dans Gaza.

Portes ouvertes sur l'enfer?

Le Hamas n'a pas tardé à réagir hier après l'annonce de l'assassinat d'Ahmad Jabaari, en déclarant que l'État hébreu a ainsi «ouvert les portes de l'enfer» et doit s'attendre à «payer un prix élevé» pour cette action.

Sur les réseaux sociaux, de nombreux résidants de la bande de Gaza ont signalé avoir entendu de violentes explosions et des bombardements tout au cours de la journée, ainsi que dans la nuit. «Une bombe vient de tomber à 100 m de chez moi. Tout le quartier tremble», a écrit sur Twitter Malaka Mohhamed, Gazaouie de 21 ans. Plusieurs craignent une répétition de l'opération Plomb durci, qui avait valu à Israël une pluie d'accusations de la part d'organismes de défense des droits de la personne, dont Human Rights Watch.

L'Égypte montre les dents

Nouvelle donne importante dans l'équation régionale, le gouvernement égyptien a levé le ton hier contre Israël, en affirmant que contrairement à la dernière offensive contre Gaza, le gouvernement post-Moubarak n'est pas prêt à rester à l'écart. «L'attaque gratuite contre Gaza prouve qu'Israël n'a pas encore réalisé que l'Égypte a changé et que le peuple égyptien, qui s'est révolté contre l'oppression et l'injustice, n'acceptera pas une agression contre Gaza», a dit dans un communiqué de presse le président égyptien, Mohamed Morsi, qui a rappelé son ambassadeur en guise de protestation. Pour sa part, l'ambassadeur d'Israël devait regagner son pays dans la soirée.

Directeur du projet sur le processus de paix au Moyen-Orient au Washington Institute, David Makovski note que l'offensive contre Gaza sera un test de la nouvelle politique étrangère de l'Égypte post-Moubarak. «Je pense que toutes les parties voudront éviter un bain de sang. L'Égypte doit convaincre le Hamas d'arrêter ceux qui envoient des missiles sur Israël. Et Israël, de son côté, tentera d'éviter un deuxième Plomb durci», a dit l'expert, en ajoutant qu'Israël doit néanmoins agir pour protéger sa population dans le sud du pays, qui vit dans la peur depuis la reprise des hostilités avec le Hamas dans la dernière semaine.

Hier, d'ailleurs, plus d'une vingtaine de missiles ont été lancés contre Israël après le déclenchement de l'opération Pilier de défense. Selon le journal Haaretz, l'un d'entre eux aurait atteint pour la première fois Dimona, emplacement du réacteur nucléaire israélien. Dans le sud du pays, Israël a déclaré l'état d'urgence.

Hier soir, le Conseil de sécurité des Nations unies s'est réuni d'urgence pour discuter des tensions grandissantes entre Israël et les Palestiniens.

Israël a intensifié hier ses menaces contre les dirigeants palestiniens, à 15 jours de la présentation à l'Assemblée générale de l'ONU d'une demande de porter la Palestine au statut d'État non membre de l'ONU. «Renverser le régime d'Abou Mazen (le président palestinien Mahmoud Abbas, NDLR) serait la seule option dans ce cas», affirme un document d'orientation politique du ministère israélien des Affaires étrangères obtenu hier par l'AFP. «Toute autre option [...] signifierait lever le drapeau blanc et reconnaître l'échec des dirigeants israéliens à relever ce défi», juge ce projet de document.

-Avec la BBC, Haaretz, The Jerusalem Post, Al-Jazira et AFP

PHOTO AP

Baptisée opération Pilier de défense, l'offensive militaire lancée hier vise, selon le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, à «frapper douloureusement» le commandement du Hamas, qui contrôle la bande de Gaza depuis 2007.