Le visage de Damas, la capitale syrienne, a changé depuis le règne brutal d'Hafez Al-Assad, le père du président Bachar, mort en 2000. Elle se fait belle pour les myriades de touristes qui s'émerveillent devant la mosquée des Omeyyades et les mille et un trésors de ses marchés.

Dans les restaurants, les jeunes Syriens discutent en expirant la fumée de leur narguilé. De tout sauf de politique.

Car sous le vernis, les Syriens étouffent.

Hamada désespère de son pays. Plusieurs membres de sa famille sont d'anciens prisonniers politiques. Libéré en 1994, son oncle ne sait toujours pas pourquoi il a été emprisonné. Il ne parle jamais de son incarcération. Hamada est convaincu qu'il a été torturé.

 

«Les anciens prisonniers des Assad sont partout», dit le comptable de 25 ans, qui préfère taire son patronyme.

Hamada a lui-même échappé de peu à la prison. Il y a sept ans, lui et un ami publiaient une feuille de chou militante sur leur campus universitaire. L'arrestation de son complice a coupé court à leur publication.

Human Rights Watch estime que de 2500 à 3000 prisonniers politiques de toute allégeance croupissent derrière les barreaux en Syrie.

En octobre dernier, 12 signataires d'un manifeste pro-démocratique ont été reconnus coupables «d'affaiblir le sentiment national». La «Déclaration de Damas» exigeait notamment que la suprématie du parti Baas, au pouvoir, ne soit plus enchâssée dans la Constitution.

Médias indépendants

Depuis que Bachar Al-Assad a succédé à son père, 170 médias indépendants ont vu le jour. Toutefois, le gouvernement peut les fermer du jour au lendemain.

«Nous recevons des ordres chaque jour de retirer tel ou tel article», explique à La Presse Khaled Elekhetyar, journaliste pour un webzine.

Plus de 160 sites sont bannis dans les cafés internet, dont Facebook et Amazon.

Pourtant, aucune révolte populaire ne point à l'horizon. «Après plus de 40 ans de dictature, les Syriens ont perdu le goût de la liberté d'expression», affirme M. Elekhetyar.

«Personne n'a rouspété quand l'État a augmenté quatre fois le prix de l'essence en une journée au printemps dernier», renchérit Hamada, découragé par l'à-plat-ventrisme de son peuple.

Wael Sawah, auteur et ancien prisonnier sous Hafez Al-Assad, espère que les jeunes n'ont pas entièrement décroché de la question politique. «Ma génération doit prendre sa retraite. Sinon, nous n'irons nulle part.»