(À la frontière ukrano-biélorusse) De longues étreintes : des enfants ukrainiens ont été accueillis mardi soir par leurs proches à leur sortie de la Biélorussie, lors du dernier transfert en date d’enfants emmenés en Russie et dans les territoires occupés pendant la guerre.  

Il s’agit du quatrième groupe d’enfants ramenés avec la médiation du Qatar, le plus nombreux jusqu’à présent, onze au total, déclare à l’AFP le médiateur ukrainien, Dmytro Lubinets, à la frontière.  

Leurs proches ont attendu plus de six heures à un point de passage utilisé à des fins humanitaires avant que les enfants, les plus jeunes âgés de deux ans, ne sortent de l’obscurité pour être longuement étreints.  

« Je suis heureux et c’est tout », déclare Oleksandr, 16 ans, le plus âgé.  

Souriant timidement, il résume ses sentiments par « de la joie et un peu de nervosité, mais sinon tout va bien ». « Ma première pensée est que ma nouvelle vie commence, en fait ».  

Sa tante Viktoria, 47 ans, raconte qu’originaire de Sievierodonetsk (est de l’Ukraine), il vivait dans un foyer depuis la mort de sa mère et de son frère aîné dans la région de Louhansk en juillet 2022, lorsque leur voiture a été bombardée alors qu’ils tentaient d’évacuer.  

Oleksandr, qui lui a dit rêver parfois de sa mère mourante, aura besoin d’un soutien psychologique, dit-elle.  

« Nous ferons la fête »

Depuis le début de la guerre, elle n’a pu parler qu’une fois au téléphone avec lui, et s’est rendue trois fois dans les zones frontalières pour tenter, en vain, d’aller le chercher.  

« Notre situation semblait bloquée, mais finalement tout a été résolu », se réjouit-elle.  

Il a été envoyé dans un pensionnat public de Louhansk, une ville occupée de l’est de l’Ukraine, où ses papiers lui ont été pris « par tromperie », relate-t-elle : « ils ont fait pression sur lui psychologiquement pour l’empêcher de partir ».  

Cette mère de famille va le ramener chez elle, à Zhytomyr, près de Kyiv. « Nous ferons la fête et lui ferons visiter la ville ».  

Mais l’adolescent doit aussi rattraper son retard à l’école et se remettre des blessures subies dans la voiture bombardée.  

Sergiy, un développeur informatique de 36 ans de Kyiv, est lui venu chercher son neveu et sa nièce, Lev, 13 ans, et Zhazmin, 10 ans.  

À la mort de leurs parents, ils ont été pris en charge près de Moscou par une parente éloignée, qui « n’avait aucune envie de s’en occuper », voulait les placer en foyer et les a renvoyés à Marioupol, occupée par les Russes.

« Je pensais presque impossible de les récupérer », dit Sergiy. Sans enfant, il est prêt à devenir un père pour eux, sourit-il.

Une femme, membre des forces armées ukrainiennes et qui ne souhaite pas s’exprimer est elle venue chercher son fils de 13 ans, après avoir été détenue par la Russie comme prisonnière de guerre pendant plusieurs mois en 2022.  

Le Qatar « ouvert » à d’autres retours

Le groupe avait été accueilli lundi à l’ambassade du Qatar à Moscou. Parmi eux, deux enfants gravement malades acheminés en ambulance et hospitalisés.  

« L’essentiel, croyez-moi, c’est que nous allons tous les ramener », assure Dmytro Lubinets.  

« C’est le Qatar qui nous aide le plus », souligne-t-il à l’AFP, « avec l’apparition d’un intermédiaire nous avons simplement de nouvelles approches, et vous pouvez voir le résultat ».  

Avant cette médiation, « nous avons vu la réticence de la partie russe à mener ces processus. Aujourd’hui, c’est devenu beaucoup plus facile ».  

Il revient du Qatar, où il a rencontré le premier ministre et « soulevé la question du retour non seulement des enfants ukrainiens, mais aussi des civils ».  

Le Qatar, qui depuis juillet 2023 a aidé au rapatriement de 30 enfants ukrainiens, est prêt à contribuer à d’autres retours, indique à l’AFP son ambassadeur, Hadi Nasser Mansour Al-Hajri.  

« Nous sommes ouverts à toutes les possibilités : faire venir des prisonniers de guerre ou des prisonniers politiques… et les enfants, nous sommes ouverts à toutes ces choses » dit-il, relevant que son pays est « presque le seul » à être « impliqué dans cette question ».  

Kyiv accuse la Russie d’avoir « déporté » des milliers d’enfants vers son territoire depuis les régions qu’elle occupe en Ukraine, Moscou assurant de son côté les avoir transférés pour assurer leur sécurité face aux combats et être prêt à les remettre à leurs proches en Ukraine si ceux-ci en font la demande.

La Cour pénale internationale a émis l’année dernière un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine et la commissaire russe à l’enfance Maria Lvova-Belova pour « crime de guerre » en raison de cette politique, une décision que le Kremlin juge nulle et non avenue.