(Région de Donetsk) Depuis une semaine, le probable renvoi du populaire chef des armées est sur toutes les lèvres en Ukraine. Sur le front, ces rumeurs irritent les soldats qui ont un énorme respect pour cet homme qu’ils considèrent comme un « père ».

Le remplacement de Valery Zaloujny, dont la cote de confiance dépasse les 90 % en Ukraine, semble imminent et pourrait, selon des médias, intervenir cette semaine, sur fond de ses vives tensions avec le président Volodymyr Zelensky.

Après une avalanche de publications à ce sujet sur les réseaux sociaux et dans les médias citant des sources fin janvier, M. Zelensky a confirmé cette semaine qu’il préparait un remaniement massif de plusieurs hauts responsables, dont le chef des armées.

Objectif annoncé : « réinitialiser » le système de commandement alors que la ligne de front reste largement figée depuis de grandes avancées de Kyiv en 2022 et que la contre-offensive de l’été dernier a échoué.

PHOTO VALENTYN OGIRENKO, ARCHIVES REUTERS

Le chef des forces armées ukrainiennes, Valery Zaloujny

Mais sur le front Est, où la situation est très difficile avec une armée russe à l’offensive dans plusieurs secteurs, les tergiversations gouvernementales ne font parfois qu’aggraver les tensions subies par les troupes, usées après deux ans de guerre.  

« Remplacer le commandant pendant les hostilités, surtout lorsqu’elles sont aussi intenses que dans notre secteur, n’est pas opportun », estime un médecin militaire répondant au nom de guerre « Beria » et déployé dans la région de Donetsk. « Moi, je remplacerais plutôt le président », lance âprement cet homme de 25 ans.

Un autre soldat répondant au nom de guerre « Kit » (« chat » en ukrainien) avoue être « irrité » par des rumeurs sur le limogeage de commandant en chef, d’autant que M. Zelensky n’a jamais exprimé publiquement ce qu’il lui reprochait.

« Père » de ses soldats

Le général qui a fait échouer le plan initial du Kremlin de faire plier Kyiv en quelques jours « incarne notre invincibilité, notre victoire. Il est déjà une icône pour les gens », estime le militaire de 50 ans. « S’il s’agit de changer de stratégie militaire, c’est normal de changer aussi le commandement. Mais ce serait dommage de voir une décision purement politique ».

Dans l’armée, « tout le monde considère Zaloujny comme un père », renchérit « Cowboy », un soldat de 38 ans. « Et tout le monde a une attitude négative envers l’idée de le remplacer ».

Le sergent « Lountik » explique que cette situation fait l’objet de discussions entre militaires sur le terrain et nuit à leur moral en encourageant l’apparition de « toutes sortes de théories du complot ».

« Plus une unité est dans une situation dangereuse, plus on parle de trahison et conspiration », relève l’homme de 50 ans.  

Selon lui, Zaloujny, qui occupe son poste depuis juillet 2021, s’était fait une bonne réputation avant l’invasion, quand il était l’un des dirigeants de l’opération militaire contre les séparatistes prorusses dans l’Est.

Bon communiquant, « il n’avait pas la flemme de parcourir personnellement toutes les zones dangereuses » pour rencontrer les unités déployées sur place et examiner leurs positions, assure Lountik.  

« C’est un professionnel qui comprend la situation réelle et pas juste ce qui est dessiné sur la carte », ajoute-t-il. « Zaloujny a le principal, la confiance. Si le commandant n’a pas la confiance, même s’il est super professionnel, il ne parviendra à rien », avertit-il.

Certains affirment que M. Zaloujny pourrait être remplacé par le chef du renseignement militaire Kyrylo Boudanov ou le commandant des troupes terrestres Oleksandre Syrsky.  

Le premier a acquis une aura légendaire pour des opérations audacieuses en profondeur en Russie. Le deuxième a dirigé la défense de Kyiv pendant les premières semaines de l’invasion et la contre-offensive réussie dans la région de Kharkiv en 2022.  

S’il y a ceux qui prisent leur expérience, pour beaucoup ces hommes semblent loin de pouvoir égaler Zaloujny.  

« Syrsky est mal perçu, c’est un homme de l’école soviétique », froid et qui ne se soucie pas des pertes humaines, détaille ainsi Lountik.  

Mais Zaloujny ou pas, personne n’arrêtera pour autant de se battre. « Rien ne changera. Je vais continuer à exécuter mes tâches comme je l’ai fait jusqu’à présent », prévient Vitaly, un soldat de 32 ans.