(Genève) Le Comité des droits de l’enfant à l’ONU a réclamé lundi à Moscou plus d’informations sur le transfert d’enfants ukrainiens vers le sol russe depuis son invasion de l’Ukraine, avec une question en forme de critique : quand la Russie va-t-elle coopérer à ce sujet avec la Cour pénale internationale (CPI) ?

« Ma dernière question est la suivante : la Russie coopérera-t-elle avec les enquêtes menées devant la Cour pénale internationale sur les crimes de guerre présumés commis par le président Poutine et la défenseure des droits de l’enfant Mme Lvova-Belova ? » a lancé le vice-président du comité, Luis Ernesto Pedernera Reyna, à la délégation russe à l’issue de la première journée d’audition à Genève.

Le sort de ces enfants ukrainiens est l’un des points chauds de l’examen du dossier russe par le comité, composé de 18 experts indépendants, qui ont choisi de laisser la nuit à Moscou pour préparer sa défense.

L’Ukraine estime à 20 000 le nombre d’enfants ukrainiens envoyés de force en Russie.  

À ce stade, selon Kyiv, seuls environ 400 ont été rapatriés par les autorités ukrainiennes, et la Cour pénale internationale a émis l’an dernier des mandats d’arrêt contre M. Poutine et la commissaire russe à l’enfance, Maria Lvova-Belova, pour la « déportation » de milliers d’enfants ukrainiens.

PHOTO ALEXANDER NEMENOV, AGENCE FRANCE-PRESSE

Moscou rejette fermement ces accusations.

Alors que certaines ONG plaident pour la mise en place d’un mécanisme international visant à faciliter l’identification et le retour de ces enfants, M. Pedernera Reyna, chargé de poser les questions du comité sur ce sujet, a demandé à la délégation russe de s’expliquer sur les mesures prises pour enquêter « sur les accusations de déportations illégales et de transferts forcés ».

Un autre expert, Bragi Gudbrandsson, a appelé la Russie à faire la lumière sur les conséquences du conflit sur les enfants russes, cherchant notamment savoir combien d’entre eux ont perdu leur père au combat.

Avortement et LGBT+

En attendant de s’expliquer sur les enfants ukrainiens, la délégation russe a fait l’éloge de la « famille traditionnelle » et du « renforcement de la famille en tant qu’institution ».

« Depuis 2020, la Constitution de la Fédération de Russie contient de nouveaux amendements qui, pour la première fois, protègent la famille, la maternité, la paternité et les enfants », a déclaré le chef de la délégation russe, Alexeï Vovtchenko.

« Nous avons créé un nouveau jour férié en l’honneur des pères, la fête des Pères, et nous avons rétabli la décoration de “ Mère-héroïne ”, qui revient aux femmes ayant dix enfants ou plus », renouant ainsi avec une tradition soviétique visant à encourager la natalité, a fait valoir le vice-ministre russe du Travail et de la protection sociale, ajoutant que 2024 est « l’année de la famille » en Russie et que des mesures seraient prises en matière notamment de « politiques démographique et familiale ».

PHOTO FABRICE COFFRINI, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le chef de la délégation russe à l’ONU, Alexeï Vovtchenko

La liste des préoccupations des experts de l’ONU est longue, y compris sur les mesures prises pour empêcher la « discrimination » à l’égard des enfants LGBT+ alors que la Russie a banni ce « mouvement international », le pays se posant en porte-drapeau des valeurs « traditionnelles » face à la décadence supposée de l’Occident.  

À cet égard M. Pedernera Reyna s’est inquiété des « pressions » que pourrait exercer l’Église contre l’avortement, et demandé quelles mesures Moscou entendait prendre pour les contrer.  

Alors que la Russie bolchévique a été le premier pays au monde à dépénaliser l’avortement en 1920, le Kremlin se rapproche pas à pas de la ligne antiavortement portée par l’Église orthodoxe.  

Le comité a par ailleurs interpellé la Russie sur le droit à la liberté d’association et de réunion des enfants, et sur la nécessité qu’ils ne soient pas sanctionnés pour leur participation à des manifestations, notamment contre la guerre.

La présidente du comité, Ann Marie Skelton, s’est aussi inquiétée des informations selon lesquelles la Russie « mène activement une propagande visant à promouvoir l’idéologie politique et des points de vue particuliers sur les conflits armés dans les écoles ».