(Grakové) L’armée russe envoyait vendredi des renforts en direction de la région ukrainienne de Kharkiv, réplique à une percée grâce à laquelle Kyiv dit avoir repris le contrôle de 30 localités dans cette zone frontalière de la Russie.

« Nous prenons progressivement le contrôle de nouvelles localités. Nous ramenons partout le drapeau ukrainien et la protection à nos citoyens », a déclaré le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans une vidéo, annonçant la prise de 30 localités dans cette région.

Kyiv a affirmé jeudi avoir reconquis quelque 1000 km2 ces derniers jours, en particulier la ville de Balakliïa. « C’est difficile, mais on avance », a déclaré vendredi sur Telegram le commandant en chef de l’armée ukrainienne, Valery Zaloujny.

Dans le village de Grakové, près de Kharkiv, repris aux forces russes il y a deux jours, des journalistes de l’AFP ont vu vendredi des destructions témoignant de la violence des combats, tandis que la police procédait à l’exhumation de deux corps, possiblement victimes d’un crime de guerre russe.

« C’était effrayant, il y avait des bombardements et des explosions partout », a raconté à l’AFP Anatoli Vassiliev, 61 ans, l’un des rares habitants à être resté à Grakové.

Malgré les gains territoriaux des forces ukrainiennes, le gouverneur de la région de Kharkiv, Oleg Sinegoubov a exhorté les habitants partis à ne pas revenir, faute d’électricité ou de gaz dans les villages repris aux Russes.

Les médias russes faisaient de leur côté état du déploiement de renforts dans cette direction, diffusant des vidéos montrant blindés, obusiers et camions roulant en grand nombre sur des routes non géolocalisées. Moscou n’a fait aucun commentaire sur ce déploiement, se contentant d’énumérer, comme chaque jour, les lourdes pertes que l’armée russe aurait infligé aux Ukrainiens.

Signe de l’avancée ukrainienne, les autorités prorusses des territoires occupés dans la région ont pour leur part annoncé vendredi évacuer les habitants vers d’autres zones sous contrôle de Moscou ou en Russie.

Combats acharnés

Depuis Bruxelles, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a estimé que le déploiement de renforts par Moscou montre que la Russie paye « un énorme prix ».

Côté européen, les 27 ministres des Finances de l’UE ont donné vendredi leur feu vert à une nouvelle aide de cinq milliards d’euros à l’Ukraine sous forme de prêt, afin de l’aider face aux conséquences de la guerre.

Un haut responsable de l’administration d’occupation russe, Vitali Gantchev, a affirmé vendredi sur la chaîne de télévision russe Rossiya 24 que des « combats acharnés » étaient en cours autour de la ville de Balakliïa, que Kyiv a dit jeudi avoir reconquise.

Selon lui, des combats ont aussi lieu près de la localité de Chevtchenkové, toujours dans la région de Kharkiv. « Les forces armées ukrainiennes essayent de briser les défenses. Des réserves depuis la Russie ont été envoyées là-bas, nos troupes ripostent », a-t-il ajouté.

Dans son bilan du soir, l’armée ukrainienne a assuré de son côté infliger des « pertes significatives » à son adversaire, disant noter une démoralisation des troupes russes.

L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a de son côté fait état d’une « coupure totale de courant » dans la ville ukrainienne d’Energodar, où est située la centrale nucléaire de Zaporijjia, une situation qui « compromet la sécurité des opérations ».

Unité de l’OTAN

Outre la percée dans cette région, Kyiv a revendiqué jeudi une série de succès dans le Sud et l’Est, affirmant avoir repris des territoires et de nombreuses localités.

S’ils sont consolidés, ces gains ukrainiens sont les plus importants pour l’Ukraine depuis le retrait des troupes russes des environs de Kyiv fin mars.

Dans le Donbass, bassin minier de l’Est ukrainien où les combats les plus violents de la guerre se sont déroulés ces derniers mois, Kyiv a affirmé jeudi avoir avancé de deux à trois kilomètres près de Kramatorsk et de Sloviansk et repris le village d’Ozerné.

À 45 km de là, à Bakhmout, huit civils ont été tués jeudi et 17 autres blessés dans des frappes russes, selon les autorités ukrainiennes.

Bakhmout, qui comptait 70 000 habitants avant le début du conflit fin février, n’a plus d’eau ni d’électricité pour le quatrième jour consécutif, selon le gouverneur régional, Pavlo Kyrylenko.

En déplacement à Prague, Lloyd Austin, le secrétaire américain à la Défense, a salué les récents succès de l’Ukraine, notant que les armements occidentaux, comme les HIMARS américains, ont pu être employés pour « changer la dynamique sur le champ de bataille ». « Nous voyons des succès à Kherson (sud) maintenant, des succès à Kharkiv, et donc tout ça est très, très encourageant », a-t-il dit.

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken était pour sa part à Bruxelles pour une réunion avec l’OTAN, où il compte insister sur « l’unité » des membres de l’organisation pour « s’assurer que notre Alliance soit aussi forte que possible pour dissuader la Russie de toute nouvelle agression ».

Coupure totale de courant à la centrale de Zaporijjia

L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a fait état vendredi d’une « coupure totale de courant » dans la ville ukrainienne d’Energodar, où est située la centrale nucléaire de L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a fait état vendredi d’une « coupure totale de courant » dans la ville ukrainienne d’Energodar, où est située la centrale nucléaire de Zaporijjia, une situation qui « compromet la sécurité des opérations ».

« C’est totalement inacceptable. Cela ne peut pas continuer », a déclaré dans un communiqué le directeur général, Rafael Grossi, appelant à « cesser immédiatement les bombardements dans la zone ».

Depuis des semaines, la confusion règne autour de la plus grande centrale d’Europe, occupée par les Russes, qui a été touchée par de multiples frappes dont Kyiv et Moscou s’accusent mutuellement.

« L’infrastructure électrique alimentant la ville a été détruite par des frappes au niveau de la centrale thermique, provoquant une coupure totale d’eau et d’électricité », a expliqué M. Grossi, informé par les deux experts de l’instance onusienne présents sur place.

« Étant donné l’intensification des bombardements qui sont incessants, il est peu probable qu’il soit possible de rétablir une alimentation hors site fiable pour la centrale », a ajouté le chef de l’AIEA, qui s’est rendu sur le site début septembre.

Dans ces conditions, l’opérateur ukrainien Energoatom « envisage de fermer le seul réacteur en fonctionnement », qui produit pour l’heure l’électricité nécessaire pour le refroidissement du combustible nucléaire et la sécurité du site.

Le cas échéant, l’ensemble des systèmes de la centrale devront s’appuyer sur des générateurs de secours fonctionnant avec du diesel, avertit l’agence basée à Vienne.

En outre, du fait de ces circonstances « dramatiques auxquelles sont confrontés les habitants d’Energodar », le personnel nécessaire pour maintenir la sécurité du site risque de ne plus être disponible.

Quelques jours après un rapport alarmiste, Rafael Grossi réitère son inquiétude : « c’est une situation insoutenable et de plus en plus fragile ».

Dans le communiqué, il appelle de nouveau à la mise en place d’une zone de sécurité autour de la centrale.