(Kyiv) La Russie et l’Ukraine ont progressé mercredi au cours d’une réunion d’experts militaires à Istanbul sur l’épineuse question du blocage des exportations de céréales à partir des ports ukrainiens, la Turquie annonçant de nouvelles discussions sur le sujet la semaine prochaine.

Ce que vous devez savoir

  • Des délégations d’Ukraine, de Russie et de Turquie tentaient mercredi à Istanbul de lever les obstacles aux exportations par la mer Noire de céréales ukrainiennes ;
  • Une frappe russe près de Mykolaïv a fait au moins cinq morts ;
  • Le bilan de la frappe russe contre un immeuble d’habitation à Tchassiv Iar, dans l’est de l’Ukraine, est monté à 46 morts ;
  • La Russie a mené des assauts terrestres mardi au nord de Sloviansk, ville clé de cette région minière devenue objectif prioritaire à venir pour Moscou ;
  • Le Brésil compte acheter autant de diesel qu’il pourra à la Russie malgré son invasion de l’Ukraine et les sanctions qui pèsent sur Moscou ;
  • Sievierodonetsk ravagée et repeinte aux couleurs russes ;
  • Plus de six millions d’Ukrainiens sont déplacés à l’intérieur de leur pays, selon l’Organisation internationale pour les migrations ;
  • Quelque 5,5 millions d’Ukrainiens enregistrés en tant que réfugiés dans d’autres États européens.
Consultez Mieux comprendre la guerre en Ukraine

Des « progrès réellement substantiels » ont été réalisés, a commenté devant des médias après la fin des entretiens russo-ukrainiens en Turquie le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, qui a dit espérer qu’un « accord formel » pourrait être prochainement conclu.

« Aujourd’hui, à Istanbul, nous avons vu une étape capitale, un pas en avant pour assurer l’exportation sûre et sécurisée des produits alimentaires ukrainiens à travers la mer Noire », a-t-il poursuivi : « Nous avons une lueur d’espoir pour soulager la souffrance humaine et soulager la faim dans le monde ».

Optimisme prudent également du côté du ministre turc de la Défense Hulusi Akar qui a souligné que les experts militaires russes et ukrainiens s’étaient entendus sur des « contrôles communs » dans les ports et sur les moyens de « garantir la sécurité des voies de transfert », autrement dit des couloirs sécurisés pour le transport maritime des produits agricoles.

« Il a été convenu que les délégations de la Russie et de l’Ukraine se rencontreraient de nouveau en Turquie la semaine prochaine », a-t-il relevé, jugeant qu’un accord final sur les céréales actuellement immobilisées dans les ports ukrainiens du fait de l’invasion russe déclenchée le 24 février pourrait alors intervenir.

« La délégation ukrainienne m’a informé que des progrès avaient été réalisés. Nous nous mettrons d’accord sur les détails avec le secrétaire général des Nations unies dans les prochains jours », a pour sa part réagi dans la soirée le président Volodymyr Zelensky.

« Nous sommes à deux doigts d’un accord », avait auparavant estimé le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba.

Des milliards pour l’Ukraine

Les États-Unis ont fait savoir mardi qu’ils allaient verser 1,7 milliard de dollars supplémentaires au titre de leur aide à l’Ukraine.

Cela doit porter à quatre milliards le montant total des sommes réglées par les Américains aux Ukrainiens depuis le déclenchement de la guerre.

Cette nouvelle contribution fait partie des 7,5 milliards de dollars promis à Kyiv par le président américain Joe Biden en mai.

À Bruxelles, les ministres des Finances des États membres de l’Union européenne ont quant à eux donné leur feu vert au versement d’un milliard d’euros à l’Ukraine, faisant passer à 2,2 milliards d’euros le total de l’assistance financière des Vingt-Sept à ce pays depuis le début de l’invasion russe le 24 février.

Le commissaire européen à la Justice Didier Reynders a pour sa part souligné qu’environ 13,8 milliards d’euros d’avoirs d’oligarques et d’entités avaient été gelés dans l’UE dans le cadre des sanctions contre la Russie.

Kyiv dénonce les rumeurs de trafic d’armes

Kyiv a dénoncé mercredi la « propagande russe » en réponse aux « rumeurs » de trafic d’armes en provenance d’Ukraine, assurant que les armes fournies par les Occidentaux étaient toutes « soigneusement comptabilisées et envoyées sur le front ».

Mykhaïlo Podoliak, un conseiller du président ukrainien Volodymyr Zelensky, a décrit les livraisons d’armes par Washington et les États européens comme étant « une question de survie » pour son pays et la « surveillance » de ces armes comme étant une « priorité ».

« Toutes les armes reçues par l’Ukraine, y compris les armes de longue portée, sont soigneusement comptabilisées et envoyées sur le front », a-t-il encore déclaré sur Twitter.

« Toutes les autres rumeurs sont de la banale propagande russe visant à perturber les livraisons », a-t-il conclu.

Combats dans la région de Kherson

Sur le front sud, l’Ukraine a déclaré avoir frappé dans la nuit de lundi à mardi les troupes russes à Nova Kakhovka, provoquant la mort de 52 soldats et détruisant un dépôt de munitions.

Des vidéos sur les réseaux sociaux montraient un champignon de fumée de plusieurs dizaines de mètres de hauteur.

Les autorités d’occupation mises en place par les Russes, qui ont accusé l’armée ukrainienne d’avoir touché des maisons et tué au moins sept personnes, ont dénoncé un « acte de terrorisme ».

Limitrophe de la péninsule de Crimée annexée par Moscou en 2014, cette zone est largement aux mains des militaires russes.  

Les Ukrainiens y mènent depuis plusieurs semaines une contre-offensive tandis que le gros des unités russes est déployé dans la région minière du Donbass, dans l’est.

Frappes « massives » de missiles

Dans la partie méridionale de l’Ukraine, les Russes ont procédé très tôt mardi à des frappes « massives » de missiles sur Mykolaïv, touchant deux établissements médicaux et des immeubles d’habitation, selon le maire de cette ville Oleksandre Senkevytch.

Il a aussi évoqué mardi soir la « destruction complète » d’une école, annonçant un bilan global de 12 blessés.

Au moins 19 missiles Smerch et Tornado ont été tirés, a précisé le gouverneur de la région Vitaly Kim, qui a fait état de douze blessés.

« La terreur russe a franchi depuis longtemps la ligne au-delà de laquelle il est devenu évident pour beaucoup dans le monde civilisé que punir la Russie, un État terroriste, pour tout ce qu’elle a fait en Ukraine est une question de sécurité mondiale », a commenté le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

« La guerre continue. Il ne se passe pas un jour sans bombardements russes », a insisté le président ukrainien dans son adresse de mardi soir.

L’armée russe, de son côté, a dit avoir détruit un système Harpoon avec un missile Iskander à Berezan, dans la région d’Odessa (sud), ainsi que des unités militaires et des dépôts de munitions dans le district de Matviivka de la région de Mykolaïv.

« On ne peut pas fuir la guerre »

Dans l’est de l’Ukraine, Kyiv s’attend à une nouvelle offensive russe dans la région de Donetsk, formant le Donbass – partiellement contrôlé depuis 2014 par des séparatistes prorusses – avec celle de Louhansk dont les Russes ont affirmé s’être complètement emparés.

Le bilan du bombardement russe dimanche d’un immeuble d’habitation à Tchassiv Iar, dans ce même bassin minier, a grimpé à 45 morts au moins, selon le dernier bilan des secours ukrainiens.

À Bakhmout, une autre localité de la région de Donetsk, des tirs d’artillerie se sont fait entendre mardi dans un centre-ville quasi déserté.  

« On ne peut pas fuir la guerre et on ne sait jamais où elle va vous trouver », a simplement résumé Lioubov Mojaïeva, une agronome de 60 ans.

« Le front se rapproche », constate, résigné, Dmytro Podkuyidko, un responsable de la mairie.

Dans le nord-est, à Kharkiv, cinq personnes ont été blessées dans de nouveaux bombardements, ont déploré les autorités régionales.

Pendant ce temps, à Moscou, l’ambassade de la province séparatiste de Donetsk a été inaugurée mardi, en l’absence du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, dont la venue avait été pourtant annoncée.