La commission des Lois de l'Assemblée nationale française va se transformer en commission d'enquête après la diffusion d'images montrant un collaborateur du président Emmanuel Macron en train de frapper un manifestant, le 1er mai dernier, suscitant l'indignation à travers l'échiquier politique.

La justice française avait déjà ouvert une enquête préliminaire, et la «police des polices» enquête également.

La décision sur une commission d'enquête était réclamée par l'opposition.

Dans un article mis en ligne mercredi soir, accompagné d'une vidéo, le quotidien Le Monde a révélé qu'Alexandre Benalla, chargé de mission à l'Élysée (la présidence française), s'était coiffé d'un casque des forces de l'ordre, avant de «s'en prendre à un jeune homme à terre pendant une manifestation», à l'occasion du 1er-Mai.

Taha Bouhafs, un militant de la gauche radicale qui avait filmé la scène, a expliqué sur Sud Radio qu'il avait vu ce qu'il croyait être un policier «aller chercher une jeune fille (et) la tirer par le cou». Par la suite, poursuit le militant, le faux policier s'en prend à un homme, qui «se fait étrangler» et reçoit «plusieurs coups de poing dans le dos, dans la tête par derrière (...) l'homme était inoffensif, par terre et suppliait d'arrêter», a-t-il ajouté.

«On se dit qu'on assiste à une énième scène de violence policière», témoigne Jérémie Ferrer-Bartomeu, manifestant présent ce 1er mai. «On a assisté à une scène très pénible, à une sorte d'humiliation publique de deux personnes qui n'avaient pas du tout l'air de black blocks», résume-t-il.

Le Monde affirme que le directeur de cabinet d'Emmanuel Macron, Patrick Strzoda, a précisé qu'Alexandre Benalla avait demandé à «observer» le maintien de l'ordre, ce que le directeur de cabinet avait accepté. M. Strzoda a suspendu deux semaines M. Benalla mais n'a pas saisi la justice.

Jeudi, le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour «violences par personne chargée d'une mission de service public», «usurpation de fonctions» et «usurpation de signes réservés à l'autorité publique».

Le programme des auditions de la commission d'enquête parlementaire - à huis clos sauf exceptions - sera fixé vendredi par le bureau de la commission, avec l'objectif notamment d'entendre le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb dès lundi ou mardi, a-t-on indiqué de source parlementaire.

Ancien membre des services d'ordre de l'ex-président socialiste François Hollande, Alexandre Benalla avait été renvoyé par l'ancien ministre socialiste Arnaud Montebourg pour «faute professionnelle» avant de joindre la garde rapprochée d'Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle.

Il a ensuite été nommé «chargé de mission» à l'Élysée, en tant qu'adjoint au chef de cabinet du président, François-Xavier Lauch.

Interpellé, lors d'un déplacement dans le Sud-Ouest, par un journaliste lui demandant si la République était «entachée» par cette affaire, M. Macron a juste répondu: «Non, non, elle est inaltérable!»

Alexandre Benalla, qui a été depuis muté à des fonctions administratives, a reçu «la sanction la plus grave jamais prononcée contre un chargé de mission travaillant à l'Élysée», a assuré le porte-parole de la présidence, Bruno Roger-Petit.

Un deuxième homme a aussi «outrepassé son autorisation», a révélé le porte-parole. Vincent Crase, gendarme réserviste et employé de LREM (parti présidentiel), a aussi écopé d'une «mise à pied de quinze jours avec suspension de salaire», et «il a été mis également fin à toute collaboration entre lui et la présidence de la République».

«Faire la lumière» 

Mais ces déclarations n'avaient pas suffi à stopper le tollé suscité dans l'ensemble des courants politiques, jusque dans le parti présidentiel (LREM), dont un député, Laurent Saint-Martin, a estimé qu'Alexandre Benalla ne devait «plus travailler à l'Élysée». Dans un premier temps, LREM avait opposé une fin de non recevoir aux demandes de commission d'enquête sur les incidents du 1er-mai.

La décision sur la commission d'enquête a été saluée par les différents courants de l'opposition. À droite, le président du groupe LR, Christian Jacob, a salué «une bonne décision», notamment car «nos services de police ont été infiltrés par des gens qui n'ont rien à y faire». Il a cependant jugé «regrettable qu'il n'y ait pas eu d'expression du premier ministre devant l'Assemblée».

«Désormais, il importe que le premier ministre vienne s'exprimer devant l'Assemblée nationale», a souligné la présidente du groupe socialiste Valérie Rabault.

Jean-Luc Mélenchon, leader de LFI (gauche radicale, 17 députés), a également salué cette décision, mais il a proposé aussi les députés déposent une «motion de censure» du gouvernement, ce qui nécessiterait 58 signatures.

AFP

Alexandre Benalla était coiffé d'un casque des forces de l'ordre avant de «s'en prendre à un jeune homme à terre pendant une manifestation».