Deux jours après une nouvelle attaque djihadiste dans le sud de la France, le pays se recueillait dimanche à la mémoire des quatre personnes tuées par Radouane Lakdim, un petit délinquant radicalisé sur lequel les enquêteurs poursuivent leurs investigations.

Les photos de ces quatre victimes s'étalaient à la Une du journal Le Parisien: un retraité, un boucher, un ancien viticulteur et un gendarme. La mort de ce dernier, le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, a suscité une émotion particulière.

Cet officier de gendarmerie de 45 ans, qui devait se marier religieusement en juin, est mort en «héros» sous les balles de l'assaillant après s'être livré à la place d'une otage.

Avant «l'hommage national» qui doit lui être rendu à une date ultérieure, sa mémoire a été saluée par l'évêque de Carcassonne et Narbonne, qui célébrait dimanche à Trèbes une messe en souvenir des victimes.

«Une vie donnée ne peut pas être perdue», a souligné Mgr Alain Planet dans une brève homélie.

Après cinq mois d'accalmie, la sanglante prise d'otages à Trèbes, paisible commune de 6000 habitants à deux pas de la cité médiévale de Carcassonne, est venue rappeler la persistance de la menace des attentats dans le pays, frappé depuis 2015 par une vague d'attaques qui a fait 245 morts.

«Je suis très triste. Toute la France est malheureuse», confie Emile Acco, un peintre carrossier à la retraite venu pour assister à la messe en ce dimanche des Rameaux, avec des centaines d'habitants de Trèbes, croyants ou non.

«Malheureusement, on n'en a pas fini», soupire Liliale Dal Mas, une habitante d'un village voisin.

Des représentants de la communauté musulmane avaient tenu à s'associer à l'hommage aux victimes. «On ne trouve pas les mots, on est bouleversés», a déclaré un imam de Carcassonne, Mohamed Belmihoub.

«Parcours de radicalisation»

Face au plus grave attentat commis depuis son entrée en fonction en mai 2017, le président Emmanuel Macron a réitéré sa «détermination» à lutter contre le terrorisme, soutenu par son homologue américain Donald Trump et la première ministre britannique Theresa May.

«Macron, l'épreuve du feu», titrait le Journal du Dimanche, alors que des critiques politiques commencent à poindre.

«Il faut qu'on arrête d'être naïf, l'État islamique est en train de gagner les esprits, il va falloir qu'on se réveille», a lancé dimanche Geoffroy Didier, du parti de droite Les Républicains qui plaide pour «l'internement» des militants islamistes «les plus dangereux».

Car Radouane Lakdim avait bien été repéré et suivi par les services de renseignement, mais «nous pensions qu'il n'y avait pas de radicalisation», a reconnu le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb.

Après avoir réuni un conseil de défense, le chef de l'État français a convoqué tous les services chargés du suivi des personnes radicalisées dans le département de l'Aude, où se sont produites les attaques.

Les enquêteurs doivent désormais éclaircir le «parcours de radicalisation» de l'assaillant, selon le ministère de l'Intérieur. A-t-il bénéficié de complicités ? Quels sont ses éventuels liens avec le groupe djihadiste État islamique ?

Français d'origine marocaine de 25 ans, Radouane Lakdim s'était présenté vendredi comme «un soldat» de l'EI. Celui-ci a peu après revendiqué les attaques.

Des «notes faisant allusion à l'État islamique» et s'apparentant à un testament ont été retrouvées à son domicile. Sa compagne et un jeune de 17 ans présenté comme un de ses amis ont été placés en garde à vue.

«Passage à l'acte»

Fiché «S» (pour Sûreté de l'État), Radouane Lakdim ne semblait plus être une menace aux yeux des autorités. En août 2016, il avait fait un mois de prison à la maison d'arrêt de Carcassonne, après des condamnations pour «port d'arme prohibé», «usage de stupéfiants» et «refus d'obtempérer».

En 2016 et 2017, il avait de nouveau été suivi par les services de renseignements, qui n'avaient décelé aucun «signe précurseur pouvant laisser présager un passage à l'acte terroriste», selon le procureur de la République de Paris, François Molins.

Mais pour Jean-Charles Brisard, président du Centre d'analyse du terrorisme, «les passages à l'acte ne suivent plus nécessairement une logique de groupe et le lien entre ces acteurs locaux et des organisations terroristes est de plus en plus virtuel».

«Il n'existe plus de profils types, les modes opératoires sont improvisés, les armes rudimentaires», ajoute-t-il.

Radouane Lakdim a entamé son équipée meurtrière armé d'un pistolet, d'un couteau et d'engins artisanaux, en volant une voiture à Carcassonne, blessant grièvement son conducteur portugais et tuant son passager.

Et c'est en criant «Allah Akbar» qu'il a surgi et fait feu vendredi dans le supermarché Super U de Trèbes, tuant un salarié quinquagénaire du supermarché, un client, et blessant mortellement le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, avant de mourir dans l'assaut donné par les forces de l'ordre.