La Seconde guerre mondiale s'est immiscée vendredi dans le duel présidentiel en France: le parti de Marine Le Pen a dû remplacer son président accusé de propos négationnistes, tandis qu'Emmanuel Macron s'est recueilli dans un village martyr, devenu symbole de la barbarie nazie.

La cheffe du Front national a tenté de reprendre la main après l'éviction de Jean-François Jalkh, nommé lundi président par intérim. Dans des propos rapportés en 2005 dans une revue universitaire, il avait évoqué le «sérieux et la rigueur» de l'argumentation des travaux de l'universitaire négationniste Robert Faurisson, régulièrement condamné pour avoir nié la réalité de la Shoah.

Marine Le Pen a ainsi exhorté vendredi les partisans du tribun de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon, à «faire barrage» à son jeune rival centriste, 39 ans.

Silencieux dans le choeur de ralliements au candidat, le chef de «La France insoumise» (19,58% des voix) a rétorqué que son mouvement n'avait «rien à voir avec l'extrême droite», dans sa première déclaration publique depuis le premier tour.

«Est-ce qu'il y a une seule personne (...) qui doute du fait que je ne voterai pas Front national? Tout le monde le sait!», a-t-il ajouté tout en se refusant à nouveau à donner une consigne de vote à ses partisans.

Depuis qu'elle a pris la tête du FN en 2011, Marine Le Pen, 48 ans, s'est efforcée d'en lisser l'image sulfureuse, longtemps alimentée par les propos antisémites et révisionnistes de son père, Jean-Marie Le Pen, co-fondateur du parti avec qui elle a ostensiblement pris ses distances.

Vendredi, ce dernier s'est néanmoins réinvité dans la campagne en se disant «choqué» par la cérémonie nationale au policier, gai, tué dans un attentat la semaine dernière sur les Champs-Elysées à Paris, jugeant qu'elle rendait «plutôt hommage à l'homosexuel qu'au policier».

Marine Le Pen a rapidement réagi, jugeant la «cérémonie très digne» et se déclarant «très touchée par le discours qui a été tenu par (le) compagnon» du policier tué.

Les thèses historiquement chères au FN avaient déjà surgi dans la campagne quand Marine Le Pen avait affirmé début avril que la France n'était «pas responsable» de la rafle du Vel d'Hiv qui avait conduit à la déportation de juifs sur ordre du pouvoir français en juillet 1942.

Une pleine page, publiée vendredi par l'association des Fils et Filles de déportés juifs de France dans le quotidien Libération, rappelle le passé pour s'inquiéter de l'avenir: une photo d'un ciel obstrué de barbelés évoquant les camps de concentration nazis, est barrée du slogan «Le FN en 2017? Non jamais. Contre le Pen - votez Macron».

«Répéter l'Histoire»

Le candidat centriste était justement à Oradour-sur-Glane, petite localité du centre de la France où une unité de la Waffen SS massacra 642 habitants le 10 juin 1944.

«Décider de ne pas se souvenir c'est prendre le risque de répéter l'Histoire», a-t-il déclaré.

«Quand vous avez face à vous une candidate qui renouvelle ce qu'elle a pu dire sur le Vel d'Hiv, qui est l'héritière directe et assumée de quelqu'un qui a porté le négationnisme (...), bien sûr que ça a un sens d'aller à Oradour», avait-il lancé avant sa visite.

L'ancien maire socialiste de Paris, Bertrand Delanoë, s'est pour sa part référé à l'arrivée au pouvoir des nazis en Allemagne pour appeler à voter contre l'extrême droite.

«Dans les années 30 en Allemagne, l'extrême gauche n'a pas voulu choisir entre les sociaux démocrates et les nazis. Hitler a été élu par le suffrage universel», a-t-il dit.

La star française du soccer Zinédine Zidane a lui aussi, depuis Madrid, appelé à «éviter au maximum» l'extrême droite le 7 mai. Réagissant aux propos de l'icône du ballon rond, Marine Le Pen a rétorqué: «avec ce qu'il gagne, je comprends qu'il vote Macron».

La chancelière allemande Angela Merkel a également indiqué dans un entretien à des journaux allemands qu'elle souhaitait l'élection du candidat centriste, n'ayant pas le moindre doute qu'il serait un «président fort» en cas de victoire.

Marine Le Pen, elle, espère notamment un soutien, voire un ralliement du souverainiste Nicolas Dupont-Aignan (4,70% des voix au premier tour), qu'elle a rencontré vendredi. Mais, signe de grand écart, sa profession de foi ne fait plus mention de «la souveraineté monétaire», et donc de la sortie de l'euro.