«Fiasco lamentable», «défaite morale»: les ténors du camp conservateur de François Fillon déplorent l'élimination de la droite au premier tour, du jamais vu en France depuis 1958.

Arrivé troisième dimanche au premier tour de la présidentielle française, l'ancien premier ministre (2007-2012) a essuyé une défaite humiliante malgré ses efforts pour surmonter le scandale des emplois fictifs présumés accordés à sa famille.

«Malgré tous mes efforts, malgré ma détermination, je n'ai pas réussi à vous convaincre», a-t-il admis avec gravité dimanche soir, après ce résultat accueilli comme un séisme politique dans sa famille politique.

«Cette défaite est ma défaite». «J'appelle à voter pour Emmanuel Macron» car «l'abstention n'est pas dans mes gènes», a-t-il ajouté dimanche soir.

Avec un score d'environ 20% selon les estimations, le conservateur de 63 ans arrive troisième, largement derrière le centriste Emmanuel Macron et la patronne de l'extrême droite Marine Le Pen. Il dépasse de justesse Jean-Luc Mélenchon (extrême gauche).

L'ancien président de l'UMP, Jean-François Copé, a estimé dimanche que la droite était «en train de vivre son 21-Avril».

Le 21 avril 2002 avait vu le candidat socialiste, Lionel Jospin, éliminé au premier tour de la présidentielle tandis que celui du Front national Jean-Marie Le Pen, accédait au second tour face au président sortant Jacques Chirac (RPR), réélu ensuite.

«La droite K.-O»

«C'était un combat réputé imperdable pour la droite et qui se termine en fiasco lamentable. La droite a été balayée, comme le parti socialiste (lors de cette élection), et il va falloir en tirer toutes les leçons», a ajouté M. Copé.

«La droite K.-O», titre le quotidien conservateur Le Figaro en Une.

Pendant la campagne, M. Fillon, catholique pratiquant, avait attribué ses ennuis judiciaires à un «complot» voire l'oeuvre d'un «cabinet noir» décidé à lui nuire.

«C'est une défaite d'autant plus cruelle que nous aurions dû gagner. On paie cher les affaires. Ce ne sont pas nos idées qui ont été battues», a déclaré dimanche soir Laurent Wauquiez, le vice-président du parti.

Le comité politique des Républicains est convoqué lundi matin. À priori, ce devrait être la fin de la vie politique de l'ancien chef de gouvernement qui sort de l'arène par la toute petite porte.

Son image d'homme intègre et ses promesses énergiques de redressement lui avaient permis en novembre de remporter haut la main la primaire de la droite, face à l'ex-président Nicolas Sarkozy et l'ancien premier ministre Alain Juppé, donné favori.

«Mister Nobody»

Porteur d'un programme de coupes budgétaires, «fier de ses valeurs», se revendiquant de l'histoire chrétienne de la France, ce libéral assumé qui ne cache pas son admiration pour Margaret Thatcher avait alors toutes les chances, selon les sondages, de remporter l'élection présidentielle des 23 avril et 7 mai, après cinq années de pouvoir socialiste.

À l'époque, la presse française parle de «la revanche de Mister Nobody». À Moscou, le président russe Vladimir Poutine salue en lui un «grand professionnel», ce qui déclenche en France une polémique sur ses relations avec le Kremlin.

Mais fin janvier, il s'empêtre dans un scandale désastreux pour sa popularité: révélations de presse sur des emplois fictifs présumés au profit de son épouse Penelope et de deux de ses cinq enfants, auditions, perquisitions, se soldent par une mise en examen (inculpation) pour «détournement de fonds publics».

À chaque déplacement, il est accueilli par des concerts de casseroles, des cris «voleur!» et «rends l'argent». Opiniâtre selon ses soutiens, suicidaire selon ses détracteurs, il poursuit sa campagne sans fléchir.

Jusqu'au bout, celui qui a défendu haut et fort l'ordre, l'autorité, la sécurité, la rigueur, la famille, la grandeur de la France, a espéré «bousculer les scénarios» de défaite.

Fils de notaire, il participe à tous les gouvernements de droite, siège au Sénat en 2005-2007, avant de devenir pendant cinq ans le chef du gouvernement, dans l'ombre du bouillant Nicolas Sarkozy.

Fin politique selon certains, il est opportuniste pour d'autres. «Ce bon surfeur sait prendre les vagues des autres», résume Jean-Pierre Raffarin, un ex-Premier ministre.

Balayé de la présidentielle, le parti de François Fillon doit désormais se réorganiser pour les législatives prévues en juin.

AFP

François Fillon et Vladimir Poutine à Moscou en 2011.