C'est le plus âgé des candidats à la présidentielle française, mais il est surtout perçu sur les réseaux sociaux comme étant le plus geek, le plus cool, le plus branché, quoi. Mais après sa performance de demain, Jean-Luc Mélenchon fera-t-il parler davantage de ses idées ou de son dernier coup d'éclat techno ?

Le politicien de 65 ans n'est décidément jamais à court d'idées originales. Demain, le candidat d'extrême gauche donnera un discours qui s'annonce mémorable, du moins dans sa forme : pendant qu'il sera à Lyon en chair et en os, son image en 3D sera retransmise à Paris, par satellite, sous forme d'hologramme.

Mélenchon s'en est largement vanté il y a un mois en conférence de presse : cette expérience serait « une première mondiale ». D'autres se sont déjà essayés au discours par hologramme (Erdogan en Turquie, Modi en Inde), mais les images étaient préenregistrées, alors que celles de demain seront retransmises en direct.

« Ce sera le même, avec la même taille, la même couleur, au cheveu près et il pourra se déplacer normalement dans la salle », a ajouté l'un de ses porte-parole, en évoquant fièrement ce double virtuel.

Certes, il y aura les contraintes techniques. Le politicien devra travailler son regard différemment, bouger régulièrement pour donner corps à son image, le tout dans un périmètre limité à 4 m2 ! Dans un article de Paris Match, les créateurs de l'hologramme promettent néanmoins une « apparition bluffante », annonçant même « deux ou trois effets à la Star Wars ».

Génial ? Tout dépend du point de vue. Si le politologue Bruno Cautrès trouve l'expérience « intéressante », son collègue Arnaud Mercier, spécialiste en communication politique, n'y voit, lui, qu'un simple « coup de pub » destiné à frapper les esprits.

« Mélenchon veut montrer qu'il est au goût du jour. Qu'il est un candidat un peu différent. Qu'il est en phase avec les jeunes et les alternatifs qui forment une partie de son public. Mais là, franchement, on est dans l'anecdotique. »

UN OVNI DANS LE CIEL POLITIQUE FRANÇAIS

Anecdotique ou pas, il est vrai que Jean-Luc Mélenchon ne fait rien comme les autres. Ancien ministre sous François Mitterrand, ce socialiste dissident, devenu leader du mouvement La France insoumise, s'est toujours fait remarquer pour son art de la mise en scène, une façon de faire atypique qui semble avoir trouvé sa place dans l'univers 2.0.

En 2012, sa websérie électorale, intitulée En Marche, était apparue comme un ovni dans le ciel politique français. Dans un montage à l'américaine, on pouvait voir le candidat sur le terrain, avec son équipe, comme s'il s'agissait d'une escouade du FBI.

Cette année, pas de série, mais une chaîne YouTube. Chaque semaine, le candidat anime sur l'internet un « One man talk show » dans lequel il fustige, dénonce, critique et s'épanche sur les problèmes de la France.

Côté production, cette « Revue de la semaine » est plutôt rudimentaire. Décor ennuyant, réalisation terne, dynamique zéro... Mais ça ne l'empêche pas d'être populaire, la chaîne comptant désormais plus de 192 000 abonnés ! Un cadeau inespéré pour ce candidat « antisystème » qui a toujours rêvé de porter son message en contournant les médias traditionnels.

« Ce succès YouTube est étonnant parce qu'il n'est pas vraiment de la génération internet, souligne Bruno Cautrès. Mais c'est une mutation de la communication politique qui va sans doute prendre de l'importance à l'avenir, en France et dans de nombreuses démocraties. »

Pour Mélenchon, en tout cas, la mutation ne fait que commencer. En visite il y a 10 jours à l'école des médias numériques d'Angoulême, le candidat à la présidentielle n'a pas exclu de se servir de la réalité virtuelle pour une prochaine campagne, invitant les futurs diplômés à se joindre à son équipe.

Et pourquoi pas ? Après l'hologramme, tout est possible. À quand le jeu vidéo ?

TOUS À LYON !

Jean-Luc Mélenchon n'a pas choisi Lyon par hasard. C'est aussi là que la présidente du Front national, Marine Le Pen, déroulera demain son nouveau programme. Par ce meeting « hologrammique », Mélenchon voulait ainsi opposer « l'ouverture d'esprit et le partage du savoir qui prévaut dans le domaine scientifique » à la « haine » et à « l'obscurantisme » colportés par la formation d'extrême droite de Mme Le Pen. Notons enfin que le centriste Emmanuel Macron a aussi donné rendez-vous à ses partisans aujourd'hui à Lyon.