L'arrêté officiel a été affiché vendredi soir, en plusieurs langues, à l'entrée de la «Jungle» de Calais: l'évacuation de l'immense bidonville où s'entassent des milliers de migrants près des côtes françaises face à l'Angleterre, commencera lundi matin.

Promis depuis plusieurs semaines par le gouvernement socialiste, cette évacuation a cristallisé une polémique sur l'accueil des migrants en France à quelques mois de l'élection présidentielle. Le sujet a aussi suscité des tensions entre Paris et Londres.

Des fonctionnaires entameront dès dimanche après-midi des tournées pour informer les migrants du déroulement détaillé de l'opération, prévue pour durer une semaine et qui s'annonce délicate.

Sur place, les migrants attendent l'arrivée des pelleteuses avec résignation, partagés entre leur rêve d'Angleterre et la promesse d'un vrai lit et d'un toit. Quelques groupes sont déjà partis au compte-gouttes pour des centres d'accueil répartis sur tout le territoire. Il reste quelque 6400 habitants, selon la dernière estimation officielle. À partir de lundi, 145 autocars doivent assurer leur transport vers 287 centres d'accueil, selon les autorités.

Pas de départs sous la «contrainte», assurent ces dernières, mais les personnes qui refuseraient de quitter le site s'exposeraient à un placement en centre de rétention, souvent l'antichambre d'une expulsion.

«Nous réussirons ce défi humanitaire», ont assuré les ministres de l'Intérieur Bernard Cazeneuve et du Logement Emmanuelle Cosse dans une tribune au quotidien Le Monde, alors que des ONG présentes sur le terrain ont mis en garde contre les risques de «catastrophe» d'une opération précipitée.

D'autres associations ont à l'inverse insisté sur l'urgence d'une évacuation avant l'hiver, «compte tenu des conditions de vie indignes».

Mewagul Daulatzai, un Afghan de 22 ans, a confié à l'AFP sa hâte de partir du campement où il a vécu par intermittence depuis 2013. «Avant j'aimais bien la «jungle». J'y avais mes amis et on y travaillait» dans les échoppes informelles qu'ils avaient ouvertes. «Mais maintenant c'est trop dangereux. Toutes les nuits il y a des tentatives de vol». Des migrants ont aussi été tués ou blessés lors de rixes ou d'accidents.

Certains ont déjà été relogés dans des centres d'accueil de petite dimension répartis à travers la France, où ils pourront demander l'asile. Critiquée par l'opposition de droite, cette répartition a parfois suscité des remous, voire des manifestations d'hostilité dans certaines villes d'accueil.

Le cas des mineurs isolés

Autre volet délicat de l'évacuation: la prise en charge des quelque 1290 mineurs isolés recensés, dont environ 500 auraient des attaches familiales au Royaume-Uni.

Pressé par Paris de les accueillir, le gouvernement britannique a accéléré les procédures ces derniers jours en dépêchant des fonctionnaires sur place.

«On en est à 73 mineurs transférés (vers la Grande-Bretagne) aujourd'hui et plus d'une centaine sont prévus demain», a précisé à l'AFP Pierre Henry, directeur général de France Terre d'asile.

«On progresse beaucoup, il y a une volonté claire chez les Britanniques de faire des efforts importants», s'est-on félicité au ministère de l'Intérieur.

L'arrivée de ces jeunes migrants divise l'opinion publique britannique, avec une controverse sur leur âge réel. «Ils ne ressemblent pas à des enfants», a déclaré le député conservateur David Davies, qui a réclamé des vérifications par examen dentaire. En revanche un groupe de jeunes arrivés à Croydon (sud) a été chaleureusement accueilli vendredi.

Les autorités du Royaume-Uni ont aussi été interpellées par Alain Juppé, favori à la primaire de la droite pour la prochaine élection présidentielle : «On ne peut pas accepter de faire sur le territoire français la sélection des personnes dont la Grande-Bretagne ne veut pas. C'est à elle de faire ce travail», a-t-il déclaré dans un entretien à six journaux européens.

La renégociation des accords signés en 2003 entre Paris et Londres, qui placent la frontière entre les deux pays à Calais, est demandée par toute la classe politique française, avec plus d'insistance encore depuis le vote du Brexit.

De son côté, la Belgique a renforcé les effectifs policiers dans la zone frontalière afin de s'assurer «qu'un camp de tentes ne s'installe pas en Belgique», selon le ministère belge de l'Intérieur.