La justice allemande a annoncé mardi renoncer à poursuivre au pénal un humoriste, auteur d'une satire contre le président turc Recep Tayyip Erdogan qui avait provoqué au printemps une crise diplomatique germano-turque.

Cette affaire avait pris une tournure très politique, la chancelière Angela Merkel ayant, en vertu d'un texte de loi très ancien, permis au parquet d'engager une procédure pour « insulte à un représentant d'un État étranger », délit passible de trois ans de prison et qualifié par certains de « crime anachronique de lèse-majesté ».

Il était reproché à l'humoriste Jan Böhmermann d'avoir signé le 31 mars un texte, lu à la télévision, dans lequel il qualifiait le président turc de pédophile et de zoophile.

« Les résultats de l'enquête montrent qu'aucun acte criminel n'a pu être prouvé », a indiqué le parquet de Mayence (ouest de l'Allemagne) dans un communiqué.

Une caricature ou une satire n'est pas une insulte quand « l'exagération des faiblesses humaines » ne contient pas « de dénigrement grave de la personne », selon le Parquet.

Pour la justice, « l'accumulation de descriptions totalement exagérées » dans ce poème montre qu'il s'agissait bien d'une satire et non « d'attaques sérieuses » contre le président turc.

Lors de la diffusion de son poème, le comique avait expliqué à l'antenne savoir qu'il allait au-delà de ce que le droit allemand autorise, et qu'il entendait démontrer par l'absurde combien le pouvoir turc avait eu tort de s'attaquer à un autre texte, une chanson diffusée 15 jours plus tôt à la télévision allemande et critiquant la remise en cause des libertés publiques en Turquie.

Cette affaire était venue empoisonner les relations germano-turques à l'heure où Ankara s'était imposé comme le partenaire crucial des Européens pour réduire l'afflux des migrants en Europe. Angela Merkel avait été la principale instigatrice d'un accord controversé entre l'UE et Ankara pour renvoyer des demandeurs d'asile vers la Turquie.

La chancelière avait eu recours à un article du Code pénal datant du 19e siècle, pour autoriser mi-avril, à la demande d'Ankara, le parquet à engager une procédure contre l'humoriste.

Certains médias avaient jugé que Mme Merkel cherchait à amadouer la Turquie malgré sa dérive autoritaire. Le satiriste avait lui reçu le soutien de nombreuses personnalités du monde des médias et de la culture.

Dans un autre volet de l'affaire, la justice allemande doit se pencher début novembre au civil sur un recours de M. Erdogan qui veut faire interdire toute rediffusion de ce poème.

Une série de disputes est venue empoisonner les relations entre l'Allemagne et la Turquie ces derniers mois. Ankara a notamment interdit pendant des mois les visites de responsables allemands sur une base militaire de la Bundeswehr pour dénoncer une résolution de la chambre basse du Parlement reconnaissant le génocide des Arméniens par l'Empire ottoman.