Matteo Renzi a manifesté sa mauvaise humeur ce week-end à l'égard d'une Europe qu'il juge trop timide face aux défis de l'immigration et de la croissance, deux sujets sensibles pour les Italiens, appelés à voter avant la fin de l'année.

«Je ne crois pas qu'il soit juste que l'Italie fasse semblant de rien quand les choses ne s'améliorent pas», a affirmé samedi le chef du gouvernement italien lors d'une conférence à Florence, en rendant compte des travaux du sommet européen à 27 vendredi à Bratislava.

L'Italie n'est pas là pour servir «de feuille de vigne» pour les autres, a également lancé le président du Conseil italien, dans une allusion au couple franco-allemand, avec qui il a refusé de s'associer vendredi soir.

«Je ne suis pas satisfait» des conclusions du sommet, «donc je ne peux pas faire une conférence de presse avec la chancelière allemande ou le président de la République française, ne partageant pas les conclusions de la même manière qu'eux», avait-il alors expliqué.

Les trois dirigeants affichaient pourtant leur unité, il y a moins d'un mois, lors d'un rendez-vous à trois en Méditerranée, au large de la petite île italienne de Ventotene.

Matteo Renzi, Angela Merkel et François Hollande avaient lors appelé l'Europe, depuis le pont du porte-aéronefs italien Garibaldi, à trouver un nouveau souffle, précisément à l'occasion du sommet de Bratislava.

Mais pour le chef du gouvernement italien, les choses n'avancent pas assez vite, principalement sur les deux sujets qui lui tiennent à coeur avant un référendum crucial: l'immigration et la croissance économique.

Avenir politique

Les Italiens sont appelés à se prononcer lors d'un référendum, prévu fin novembre ou début décembre, pour ou contre une réforme constitutionnelle sur laquelle Matteo Renzi joue en partie son avenir politique.

«Renzi s'adresse à la partie désormais majoritaire du pays qui, sur l'économie et l'immigration, est fatiguée d'une Europe du «Fiscal compact» (le pacte de stabilité budgétaire) et des tout petits pas», écrit samedi le Corriere della sera.

«Est-ce qu'on va comprendre que s'il est juste de sauver tout le monde en mer, il n'est pas possible d'accueillir tout le monde seulement dans les Pouilles ou en Sicile», dans le sud de l'Italie, a ainsi lancé le chef du gouvernement italien.

Quant à la croissance économique, qu'il juge bien trop faible en Europe, Matteo Renzi ne cesse de désigner les politiques d'austérité comme les responsables de la stagnation en Europe, en vain.

Or, «Matteo Renzi a besoin d'un message fort sur ces deux sujets» avant un «référendum difficile», explique à l'AFP Nicoletta Pirozzi, spécialiste des questions européennes auprès de l'Institut pour les affaires internationales (IAI) à Rome.

Voilà pourquoi, il est tenté de «renverser la table des négociations» faute d'un accord ambitieux, ajoute-t-elle.

Le trio franco-germano-italien, format inédit jusqu'à présent en Europe, était pourtant un «objectif fort» du chef de gouvernement italien, mais pour un «agenda significatif», indique cette experte.

Matteo Renzi a évoqué vendredi et samedi le rendez-vous de mars 2017, censé marquer la fin d'un processus de renouveau pour l'Union européenne, quand les Européens se retrouveront lors d'un sommet extraordinaire dans la capitale italienne pour les 60 ans du traité de Rome.

Mais après Bratislava, il redoute surtout l'échec. «Bratislava, un pas en avant, mais petit, petit. Beaucoup trop peu», a-t-il jugé dès vendredi soir, avertissant qu'ainsi l'Europe «risque gros».

Le jeune chef du gouvernement italien est coutumier de ces coups de gueule contre une Europe jugée timorée et dépourvue d'ambitions. En janvier, il avait durement attaqué la Commission européenne et l'Allemagne, toujours pour les mêmes raisons: trop d'austérité, pas assez de croissance.

Mais il s'était ensuite adouci, pour se réconcilier avec Angela Merkel, qu'il a retrouvée après Ventotene à Maranello (centre) à l'occasion d'un tête-à-tête fin août alors qualifié de fructueux.

Le président de la commission européenne Jean-Claude Juncker a été épargné ce week-end. Selon la presse italienne, Matteo Renzi l'a rencontré vendredi à Bratislava où le Luxembourgeois a promis son aide sur le dossier de la flexibilité budgétaire que réclame l'Italie pour boucler son budget.