Quand Oliver Healey, partisan d'un parti de droite britannique, a mis en ligne une pétition demandant la tenue d'un deuxième référendum sur le Brexit, il était loin de se douter que près de 4 millions de personnes, qui ne partagent en rien ses opinions politiques, la signeraient.

Soutenant la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne et le camp du «Leave», le citoyen de Leicestershire a lancé sa proposition avant le référendum du 23 juin. Craignant une victoire faible des tenants du «Remain», il demandait qu'un second référendum ait lieu si l'option gagnante n'obtenait pas 60% du vote et que le taux de participation n'atteignait pas 75%. Tout juste 22 personnes ont soutenu sa missive avant le référendum.

Mais depuis que l'option du «Leave» a obtenu 51,9% des voix lors d'un vote auquel 72% des électeurs enregistrés ont participé, la pétition a été saisie par les électeurs du camp du «Remain», amèrement déçus par le résultat du vote de jeudi dernier. Lundi, en fin de journée, 3,8 millions de personnes avaient signé le document en ligne.

Ce soutien massif pour la pétition a des conséquences, bien au-delà de l'ego blessé de son instigateur, qui estime que les pro-Union européenne ont «détourné» son initiative. Selon les règles britanniques, une pétition signée par 100 000 personnes doit être considérée pour un débat au Parlement.

Un comité se penchera aujourd'hui sur la question. «Il n'y a pas de garantie qu'il va se passer quelque chose, mais le comité va probablement proposer un débat sur la question», précise Alan Renwick, politologue au University College de Londres.

Cameron contre, branson pour

Lundi, le premier ministre britannique démissionnaire David Cameron a rejeté d'un revers de main l'idée d'une reprise du vote, affirmant que les résultats du référendum, même s'ils vont contre son souhait, seront respectés. «La tenue d'un autre référendum n'est pas dans les cartes», a dit un de ses acolytes aux médias en après-midi.

Tous ne l'entendent pas de cette façon. Dans une lettre publiée en ligne, le multimilliardaire Richard Branson enjoint les élus du pays à prendre au sérieux la demande citoyenne. «Les élections et les référendums ne viennent pas avec une politique de retour après que la boîte a été ouverte, mais peut-être le devraient-ils. Depuis que les résultats du référendum sur l'Union européenne ont émergé vendredi matin, ceux qui ont voté pour l'option du "Leave" réalisent qu'ils ont ouvert une boîte de Pandore de conséquences négatives», écrit l'homme d'affaires.

Le droit muet

L'idée de tenir un deuxième référendum est-elle loufoque? Professeur de droit à l'Université de Montréal, Stéphane Beaulac note que le droit international est muet à cet égard. «En droit, rien n'empêche la tenue d'un deuxième référendum», note l'expert. 

En 2009, l'Irlande a notamment tenu deux référendums sur l'adhésion du pays au traité de Lisbonne, modifiant le fonctionnement de l'Union européenne. «Cependant, ça ne veut pas dire que parce qu'il n'y a pas de règles claires qu'il n'y a pas des principes qui balisent les actions des acteurs politiques, ajoute-t-il. Comme le principe de démocratie. C'est difficile de justifier de tenir un vote à répétitions», avance-t-il.

L'option Lévesque

M. Beaulac croit cependant qu'un deuxième référendum serait possible pour demander l'aval de la population une fois que le gouvernement aura négocié les conditions de retrait de l'Union européenne.

Il donne en exemple le référendum de 1980 sur la souveraineté, rappelant qu'en cas de victoire du Oui, René Lévesque avait prévu la tenue d'un second référendum après les négociations sur la souveraineté-association avec le Canada.

Frédéric Mérand, directeur du Centre d'études et de recherches internationales de l'Université de Montréal, abonde dans son sens. «Je ne crois pas à un deuxième référendum dans les circonstances actuelles et à l'annulation des résultats. Ce serait de mauvaise foi, affirme le spécialiste de l'Union européenne. Cependant, tenir un deuxième référendum sur les modalités de la nouvelle relation avec l'Union européenne, ce serait logique», ajoute-t-il.

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70 000 SIGNATURES RETIRÉES

La pétition demandant au gouvernement britannique d'organiser un second référendum sur le Brexit donne du fil à retordre au Parlement. Les autorités ont décelé des anomalies parmi les quelque 3,8 millions de signatures recueillies en ligne. Plus de 70 000 d'entre elles, provenant entre autres d'adresses IP situées à l'extérieur du Royaume-Uni, ont notamment été retirées. Seuls les ressortissants britanniques peuvent signer la pétition qui se trouve sur le site gouvernemental.