Dans exactement un mois, les Britanniques devront répondre à une question cruciale : « Le Royaume-Uni devrait-il rester membre de l'Union européenne ou quitter l'Union européenne ? » D'ici là, les partisans du « Brexit » et ceux du « Bremain » déchireront leur chemise pour tenter de convaincre leurs concitoyens. État des lieux.

Quelles sont les forces en présence à l'occasion de ce référendum ?

Dans le coin droit, les partisans eurosceptiques du « Brexit » (contraction de British Exit), qui militent sous la bannière VOTE LEAVE (Votez pour partir). 

Dans le coin gauche, les partisans du « Bremain » (contraction de British Remain), qui militent sous la bannière BRITAIN STRONGER IN EUROPE (Une Grande-Bretagne forte dans une Europe unie).

Qui pourra voter ?

Tout citoyen britannique ou du Commonwealth résidant au Royaume-Uni, ainsi que les expatriés britanniques vivant à l'étranger qui sont inscrits sur les listes électorales. Contrairement aux élections générales, les ressortissants de l'UE vivant au Royaume-Uni ne pourront pas voter.

Que disent les sondages ?

Le résultat pourrait être serré. Aucun des deux camps n'a pris le dessus et la plupart des sondages montrent que les intentions de vote sont d'environ 50-50, en excluant les 20 % d'indécis. Fait intéressant : l'Écosse, l'Irlande du Nord et la ville de Londres sont majoritairement pour le maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne (UE), alors que l'Angleterre, très populeuse, est plus divisée. « L'opinion publique est plutôt modérément hostile à l'Union européenne, mais elle n'est pas certaine que le risque et l'incertitude en valent la chandelle, résume Frédéric Mérand, directeur du CERIUM et spécialiste de la politique européenne. Les conséquences d'une sortie sont très importantes, mais par ailleurs, le climat pour l'Union européenne n'a jamais été aussi toxique. Ce vote est extrêmement difficile à prévoir. »

Pourquoi les partisans du Brexit veulent-ils quitter l'Europe ?

Ils trouvent que certaines règles de l'UE ne conviennent pas au Royaume-Uni, notamment en ce qui concerne l'immigration, le fédéralisme et les coûts reliés à la réglementation des entreprises. Un Royaume-Uni libre de ces obligations serait, selon eux, plus apte à prendre ses propres décisions et à contenir l'immigration venue d'Europe. Partisan du Bremain, le premier ministre David Cameron est parvenu en février à arracher quelques concessions à l'UE sur ces points précis, en espérant convaincre les eurosceptiques de voter pour un maintien du Royaume-Uni en Europe.

Pourquoi les partisans du Bremain veulent-ils rester dans l'UE ?

Ils croient que le Royaume-Uni a davantage intérêt à faire partie d'un bloc de libre-échange et craignent qu'un Brexit ne soit néfaste sur le plan économique. Contrairement aux eurosceptiques, ils sont pour la libre circulation en Europe et voient en l'immigration une valeur ajoutée. En d'autres mots : "if it aint broke, don't fix it" (si ce n'est pas cassé, pas besoin de réparer).

À quoi s'attendre dans le prochain mois ?

La campagne va s'intensifier et le discours pourrait se radicaliser, surtout chez les partisans du Brexit. « L'immigration est l'argument principal de ceux qui veulent sortir [de l'Europe], lance Steven Fielding, professeur d'histoire politique à l'Université de Nottingham. On risque d'entendre de plus en plus de propos contre l'immigration disant que la seule façon de la contrôler est de quitter l'Europe. Le camp du Brexit doit s'assurer de convaincre les électeurs purs et durs d'aller voter et on peut s'attendre à plus d'expressions semi-racistes. »

Qui est In qui est Out ?

Dans le camp du Bremain, le personnage clé est le premier ministre conservateur David Cameron, qui joue ici son avenir politique. Il est secondé par le ministre des Finances George Osborne et des politiciens qui lui sont normalement opposés, comme le chef du Parti travailliste Jeremy Corbyn. Ce dernier devra convaincre son électorat de suivre la voie de Cameron, même s'il aurait politiquement intérêt à ce que celui-ci aille droit dans le mur.

Dans le camp du Brexit, la figure de proue est le conservateur et ancien maire de Londres Boris Johnson. Il est notamment appuyé par Nigel Farage, chef du parti eurosceptique UKIP et figure polarisante, en raison de ses propos parfois xénophobes.

« M. Johnson est important parce qu'il peut séduire les non-racistes, souligne Steven Fielding. Si le Brexit gagne, ce sera grâce à lui. »

Personnage haut en couleur, Boris Johnson n'a toutefois pas aidé sa cause la semaine dernière, en comparant l'UE aux visions unificatrices de Napoléon et Hitler, des propos qui ont suscité la polémique et nui à la crédibilité du politicien.

Qu'est-ce qui pourrait faire pencher la balance ?

À ce stade, pas grand-chose. Le tableau est figé depuis plusieurs mois et ce ne sont pas les débats télévisés, prévus en juin, qui risquent de changer la donne. Selon les experts, il faudrait des événements-chocs comme une aggravation de la crise des migrants ou un attentat terroriste pour faire pencher la balance en faveur du Brexit.

Quelles seraient les conséquences d'un Brexit ?

Difficile à dire. Sur le plan économique, il y aura forcément des répercussions au Royaume-Uni. Le pays n'aura plus libre accès à cet énorme marché voisin que représente l'Europe, son principal partenaire commercial. Mais personne ne sait vraiment comment seront négociées les nouvelles ententes. « Il y a consensus pour dire que les conséquences seraient modérément négatives », résume Frédéric Mérand.

D'autres questions se posent pour les ressortissants de l'UE vivant au Royaume-Uni et pour les Britanniques vivant en Europe. Idem pour le contrôle de l'immigration. « Ce qu'on sait assurément, c'est que les changements mettront du temps à s'implanter », souligne Steven Fielding.

Sur le plan politique, on peut s'attendre à ce que David Cameron soit la première victime collatérale du Brexit. Le premier ministre joue son poste avec ce vote et un échec entraînerait probablement sa démission. Il faudra voir comment le Parti conservateur, déchiré sur la question de l'UE, retrouvera l'harmonie. Selon toute vraisemblance, Boris Johnson succéderait à Cameron comme chef du parti, à moins qu'il ne continue de déraper.

Il n'est pas exclu, enfin, que l'exemple britannique fasse des petits et que d'autres pays brandissent la menace d'un référendum pour obtenir des concessions à Bruxelles. Bref, ce serait un dur coup pour la réputation de l'UE. « Un club dont les gens s'en vont, ce n'est jamais très bon », conclut Frédéric Mérand.