Invoquer Hitler pour parler de l'Union européenne comme vient de le faire Boris Johnson illustre la violence du débat autour du projet européen au Royaume-Uni, à six semaines d'un référendum qui s'annonce serré.

Mais cette outrance s'explique aussi par les ambitions de l'ancien maire de Londres, qui rêve de devenir premier ministre à la place de David Cameron, soulignent les analystes.

«Napoléon, Hitler, plusieurs personnes ont essayé de le faire (unir le continent européen, NDLR), et cela s'est terminé de manière tragique. L'Union européenne est une autre tentative avec des méthodes différentes», a affirmé Boris Johnson, partisan d'une sortie de l'UE, dans le journal dominical Sunday Telegraph.

Des propos qui ont conduit le Parti travailliste à accuser les proBrexit (pour «British exit») d'avoir «perdu le sens moral» et ont valu à Boris Johnson d'être taxé de Donald Trump de la politique britannique pour ses excès.

Le quotidien The Guardian a évoqué lundi des propos «hideux et provocateurs» tandis que le Times a appelé à «laisser Hitler en dehors de tout ça».

Mais pour Joe Twyman, responsable de la recherche politique et sociale de l'institut de sondage YouGov, ces propos extrêmes n'ont rien à voir avec «une erreur ou une gaffe».

«C'est une décision calculée, stratégique parce qu'il (Boris Johnson) pense que cela aidera sa cause» auprès des électeurs britanniques, dit-il à l'AFP.

Cette déclaration est destinée à faire peur et contrebalancer les scénarios apocalyptiques brandis dans le camp d'en face en cas de sortie, à montrer «que le camp du maintien dans l'UE n'a pas le monopole de la peur».

Simplifier pour attirer

La semaine dernière, le premier ministre David Cameron a ainsi suggéré que l'Europe replongerait dans la guerre si le Royaume-Uni en sortait, s'attirant lui aussi les critiques.

Sur le plan économique et commercial, son gouvernement prédit des années difficiles en cas de sortie, aidé par le feu conjoint du Fonds monétaire international, de la Banque d'Angleterre ou encore du président américain Barack Obama.

Si personne ne s'attendait à une campagne sereine sur un thème aussi important pour le destin des 64 millions de Britanniques, les sondages, dans un mouchoir de poche, ont accentué la virulence du débat, estiment les analystes.

Selon l'institut What UK thinks qui fait la moyenne des six dernières enquêtes d'opinion, les deux camps sont en effet à égalité.

«C'est très serré», souligne Steven Fielding, professeur d'histoire politique à l'Université de Nottingham. «C'est donc l'heure d'aller à l'essentiel. Ce qui signifie une présentation extrémiste des points de vue».

Selon Paul Taggart, professeur de sciences politiques à l'Université du Sussex, la complexité de l'enjeu explique aussi la teneur du débat.

«Les deux camps doivent simplifier une histoire complexe pour la rendre attrayante», dit-il. Et amener les électeurs à aller voter le 23 juin.

Mais la stratégie de surenchère choisie par M. Johnson est aussi destinée à servir un dessein plus personnel, qui est de remplacer David Cameron à Downing Street si le «Non» à l'UE l'emporte.

Or les références à la Seconde Guerre mondiale et à Hitler sont particulièrement populaires auprès des vieux membres du Parti conservateur, dont le soutien est nécessaire pour accéder à son rêve de devenir premier ministre, selon M. Fielding.