Fragilisé par des affaires de pédophilie et d'agressions sexuelles dans son diocèse de Lyon (centre-est de la France), qu'on lui reproche de ne pas avoir dénoncées à la justice, le cardinal Barbarin a pour la première fois reconnu lundi «des erreurs dans la gestion de certains prêtres».

Figure influente et médiatique de l'Église catholique en France, archevêque de Lyon, le cardinal Barbarin, 65 ans, est visé par plusieurs plaintes pour non-dénonciation d'agressions sexuelles. Il nie vigoureusement avoir couvert de tels faits.

Face au scandale, qui a ébranlé toute l'Église catholique, le prélat avait réuni lundi, à huis clos, deux cent vingt prêtres de l'évêché. Une victime d'un prêtre mis en examen (inculpé) fin janvier pour des agressions sexuelles commises il y a plus de 25 ans sur des scouts dans le diocèse, le père Preynat, a témoigné.

Lors de cette rencontre, «le cardinal a notamment reconnu que le diocèse avait commis des erreurs dans la gestion et la nomination de certains prêtres», selon un communiqué.

«Il est apparu que, dans la connaissance de certains faits, on n'avait pas tous les éléments. Nous avons manqué à nos obligations d'investigation, de recherche de la vérité», a souligné lors d'une conférence de presse un porte-parole du diocèse, Yves Baumgarten.

Cinq autres affaires d'agressions sexuelles ou de pédophilie ayant un lien avec le diocèse de Lyon ont émergé depuis, en cours d'enquête ou déjà jugées dans le passé. Et d'autres cas ont été signalés en Guyane et dans le Loiret (centre).

L'Eglise de France revendique ses efforts contre la pédophilie depuis la condamnation, inédite, en 2001 d'un de ses évêques pour non-dénonciation. Mais les récentes révélations ont montré sa difficulté face aux cas anciens et dans sa réponse aux victimes.

«Pire venant d'un prêtre»

Selon un prêtre interrogé avant la réunion, le clergé lyonnais est divisé par les «affaires» en cours: il y a d'un côté les «négationnistes» et de l'autre les «Savonarole», du nom de ce prédicateur italien qui dénonçait au XVe siècle la corruption morale des prélats romains.

Certains ont déjà pris fermement position, comme le père Franck Gacogne, d'une paroisse de Bron, une banlieue de Lyon. «La pédophilie, c'est moralement pire quand ça vient d'un prêtre (...) Oui, l'Évangile a été gravement trahi (...) Je n'ai que faire de la préservation de l'institution, elle n'a pas à être protégée à tout prix», a-t-il asséné dans le bulletin de sa paroisse du mois d'avril.

D'autres se montrent plus ambigus. Pour Jean Lacombe, prêtre à Villeurbanne, une autre banlieue, l'archevêque de Lyon «a pu être un peu imprudent parfois». «Mais je crois qu'il y a une sorte de harcèlement. Les médias font le procès des gens avant la justice», ajoutait-il avant la réunion.

Avant de poser une question curieuse à l'égard des victimes: «Je ne comprends pas pourquoi ils ont attendu si longtemps. A l'époque, ils disaient être les chouchous du père Preynat, ils en étaient fiers. Alors est-ce que ces gamins étaient très normaux? Être fier quand on se fait peloter, ça me paraît curieux».

Georges Favre, prêtre retraité, a de son côté répondu aux journalistes par une plaisanterie douteuse: «Ma position ? Je n'ai pas violé beaucoup d'enfants; je suis assez clean à ce sujet-là. Heureusement, parce que vous auriez pu en faire partie, comme vous êtes très jeunes les uns et autres», a-t-il lancé.

Interrogé sur d'éventuels appels à la démission du cardinal, le vicaire a répondu que certains prêtres étaient favorables à une mise en retrait le temps des enquêtes judiciaires, mais que la grande majorité d'entre eux était favorable à la poursuite de la mission de l'archevêque.

Le diocèse a annoncé lundi la mise en place d'une cellule d'écoute et d'un collège d'experts, déclinaison locale d'une série de mesures lancées mi-avril par l'Église catholique de France pour faire «la lumière» sur la pédophilie dans ses rangs, y compris sur les faits les plus anciens.