À 16 mois de la présidentielle de 2017, les grandes manoeuvres sont lancées en France, où la gauche au pouvoir et l'opposition de droite sont contraintes à une remise en cause urgente après un scrutin régional ayant placé l'extrême droite à un niveau record.

La guerre est désormais ouverte au parti de droite Les Républicains (LR) de Nicolas Sarkozy, avec l'annonce d'une nouvelle équipe excluant notamment la numéro deux, Nathalie Kosciusko-Morizet, critique de l'ex-chef d'État (2007-2012).

Dans le camp adverse, le gouvernement socialiste de François Hollande va prendre «rapidement» des «mesures nouvelles pour l'emploi», a assuré sans détail une source gouvernementale. Le chômage endémique (3,59 millions de personnes) est le point noir du président et le principal obstacle à sa candidature à un nouveau mandat.

Sa popularité a rebondi après les attentats du 13 novembre et il bénéficie de l'effet positif de l'accord international sur le climat (COP21) obtenu ce week-end. Face à la progression de l'extrême droite, il doit cependant élargir son électorat et engranger des résultats de ses réformes économiques, pour être au deuxième tour de la prochaine présidentielle.

À droite, les résultats en demi-teinte des régionales ont fragilisé Nicolas Sarkozy avant une primaire prévue en 2016. Son parti est sorti en tête, mais loin du raz-de-marée espéré, avec sept régions contre cinq au Parti socialiste (PS), qui a limité la casse.

La formation d'extrême droite Front national (FN) a échoué à conquérir la moindre région. En revanche, elle a consolidé son poids dans le paysage politique. Pour cet ultime test avant la présidentielle, le parti a engrangé un record historique de 6,8 millions de voix.

«Rien ne pourra nous arrêter», a clamé sa présidente, Marine Le Pen, dénonçant «les dérives et les dangers d'un régime à l'agonie», après sa défaite-camouflet dans le nord face à un adversaire de droite soutenu par la gauche.

«La dynamique du FN, elle est bien là». (...) Pour l'instant, la digue a tenu, mais le FN progresse continument dans le pays et à un moment, la digue va se rompre», juge le politologue Stéphane Rozès. «Ce serait une illusion de penser que les partis politiques peuvent se passer de réflexions stratégiques sur les raisons profondes de (sa) progression».

«Vieille idée stalinienne»

L'influent quotidien Le Monde a appelé lundi les responsables du pays à «agir avant la catastrophe».

Nicolas Sarkozy a justifié la mise en place d'une «nouvelle équipe» chez Les Républicains par «un souci de fond et de cohérence».

«Penser que le parti se renforce en s'épurant, c'est une vieille idée stalinienne», a répliqué Nathalie Kosciusko-Morizet. «L'exclusion n'est jamais une bonne réponse», a renchéri l'ex-premier ministre Alain Juppé, principal rival de M. Sarkozy pour la primaire.

Vice-présidente du parti Les Républicains, «NKM», comme elle est surnommée, avait renouvelé dimanche soir ses critiques contre la stratégie du «ni, ni» (ni PS, ni FN) de l'ex-chef de l'État et sa ligne visant à disputer à Marine Le Pen ses thèmes favoris : sécurité, immigration, identité.

«Cette stratégie nous mènera dans le mur», a aussi dénoncé Bruno Le Maire, ténor en vue de la jeune génération du parti.

Autre ex-chef de gouvernement de droite, et critique de Nicolas Sarkozy, Jean-Pierre Raffarin a invité sa famille politique à «travailler avec le gouvernement» pour «battre ensemble» le FN.

«Les responsables politiques de tous bords doivent pouvoir quand c'est nécessaire construire ensemble», avait plaidé dimanche dans le même sens le premier ministre socialiste Manuel Valls, pour qui «le danger de l'extrême droite n'est pas écarté».

Le «front républicain» gauche-droite, qui a permis de faire barrage au FN aux régionales, peut servir à présenter François Hollande comme le meilleur rempart face à Marine Le Pen en 2017, juge-t-on dans son camp.

Proche du chef de l'État, le patron des députés socialistes, Bruno Le Roux, a avancé lundi l'idée d'un «grand parti de gauche réformateur» tourné vers d'autres sensibilités et la société civile pour «régénérer» le PS qui «ne fait plus envie».