Alexis Tsipras, le dirigeant de la gauche radicale grecque Syriza, a prêté lundi son serment de premier ministre lors d'une cérémonie civile, retransmise par les télévisions, au lendemain de la victoire de son parti aux élections législatives.

Devant le Président de la République hellénique, M. Tsipras, qui entame ainsi son deuxième mandat cette année, s'est engagé «sur son honneur et sa conscience» à «servir le peuple grec».

Alexis Tsipras avait été, après sa victoire aux législatives fin janvier, le premier chef de gouvernement grec à ne pas suivre la tradition d'une prestation de serment religieuse.

Le dirigeant de 41 ans devrait annoncer mardi la formation de son gouvernement, qui sera chargé de mettre en oeuvre l'accord conclu cet été avec les créanciers du pays, UE et FMI.

En remportant ses deuxièmes législatives en huit mois avec 35,46 % des voix, contre 28,10 % au parti de droite Nouvelle Démocratie, M. Tsipras confirme l'enracinement de son parti de gauche radicale sur l'échiquier politique grec et européen.

Son parti ayant obtenu 145 des 300 sièges de députés, il ne pourra pas gouverner seul et M. Tsipras a décidé de reconduire la coalition avec son ancien partenaire, le parti des Grecs indépendants (Anel, de droite souverainiste), fort de 10 élus qui lui permettront de faire l'appoint et de disposer d'une - courte - majorité absolue avec 155 députés.

Mais le chemin ne sera pas semé de roses pour ce nouveau gouvernement, qui doit prouver aux créanciers du pays, UE et FMI, sa détermination à appliquer les «réformes» qu'ils ont dictées dans le troisième plan de sauvetage, d'un montant de 86 milliards d'euros (plus de 126 milliards de dollars) sur trois ans, signé dans la douleur en juillet au prix d'une scission de Syriza, qui a vu le départ de 25 députés de son aile gauche.

Le gouvernement d'Alexis Tsipras doit se préparer d'ici fin octobre à une première évaluation de la mise en oeuvre de ce programme, qui va de l'augmentation des taxes à la rationalisation de la fonction publique et à la dérégulation des marchés, pour s'assurer de la poursuite des versements des prêts au pays.

La Grèce a déjà reçu en août une première tranche de prêt de 13 milliards d'euros (plus de 19 milliards de dollars). Dix milliards (près de 15 milliards de dollars) ont aussi été versés sur un compte spécial, destiné à la recapitalisation des banques, affaiblies ces derniers mois par l'imposition du contrôle des capitaux, une mesure visant à empêcher le transfert d'argent à l'étranger.

Tout en saluant la nouvelle victoire de Syriza, le patron de l'Eurogroupe des ministres des Finances de la zone euro Jeroen Dijsselbloem a espéré la formation du nouveau gouvernement «rapidement» pour «continuer le processus de réforme».



«L'ère Tsipras»

Alexis Tsipras en est conscient: «Le peuple grec a donné un mandat clair pour quatre ans, dès lundi nous nous retroussons les manches pour travailler dur», a-t-il dit dimanche soir lors d'un rassemblement des sympathisants du parti dans le centre d'Athènes pour fêter la victoire.

Il a toutefois prévenu que «la reprise n'allait pas venir par magie» et qu'il fallait surtout «se débarrasser de la corruption qui domine dans le pays».

La stabilité du nouveau gouvernement est l'enjeu principal selon des analystes, qui rappellent que le scrutin de dimanche est le cinquième depuis l'éclosion de la crise de la dette en 2010.

Pour Mujtaba Rahman, le chef Europe de la société de conseil politique Eurasia Group, cité par Bloomberg, «de la réussite de la première évaluation du programme dépend la stabilité économique et politique».

Le fardeau de la dette publique pèse sur l'économie grecque et reste à plus de 170 % du PIB après les prêts internationaux successifs, l'excédent budgétaire primaire ne servant qu'à payer le service de la dette.

Au coeur du programme du Syriza, la restructuration de la dette, qui a commencé à être timidement évoquée ces derniers mois au sein de la zone euro. Le FMI reste partisan de sa réduction, pour la reprise de l'économie, mais l'UE, principal prêteur, n'évoque pour l'instant qu'un réaménagement.

«L'ère Tsipras» titrait lundi Ta Néa, le plus gros quotidien du pays, soulignant qu'Alexis Tsipras a «une deuxième chance», mais qu'il va devoir faire face «à un hiver difficile, à des exigences du mémorandum (plan de sauvetage), à la récession et l'explosion de la crise migratoire».

Son principal rival politique, Nouvelle-Démocratie (droite) de Vangelis Meïmarakis, n'a pas pu décoller lors du scrutin de dimanche, n'ayant rassemblé que 28 %, presque le même pourcentage qu'en janvier. Ces législatives ont aussi été marquées par une forte abstention, plus de 44 % contre 36 % en janvier.

Après les félicitations de Martin Schulz, président du Parlement européen, le président français François Hollande, et Werner Faymann,  chancelier autrichien, c'est le président russe Vladimir Poutine qui a salué lundi la victoire d'Alexis Tsipras.

Dans un télégramme, il «a exprimé l'espoir de poursuivre un dialogue constructif et une collaboration active» avec Athènes, comme lors du précédent gouvernement Syriza, une entente observée avec circonspection par Washington.

PHOTO ARIS MESSINIS, AFP

Avec 145 députés élus, Alexis Tsipras, 41 ans, a annoncé dès dimanche qu'il allait de nouveau s'allier avec son ancien partenaire, le parti des Grecs indépendants (Anel), fort de 10 élus, qui lui pemerttront de s'assurer une majorité absolue de 155 députés sur 300.