La chancelière allemande Angela Merkel et des dirigeants des Balkans de l'Ouest se sont retrouvés jeudi à Vienne pour un sommet à l'ordre du jour chamboulé par la crise des migrants, dont cette région est devenue l'une des principales portes d'entrée vers l'Europe occidentale.

La «terrible» découverte jeudi des corps de 20 à 50 migrants dans un camion en stationnement en Autriche est «un avertissement» pour l'Europe, qui doit résoudre la crise des migrants, a déclaré la chancelière allemande Angela Merkel.

«Nous sommes tous bouleversés par ces terribles nouvelles, selon lesquelles jusqu'à 50 personnes ont trouvé la mort (...) alors que ces gens venaient chercher la sécurité», a déclaré Mme Merkel.

Selon la police autrichienne, les corps de 20 à 50 personnes ont été retrouvés dans un camion en stationnement sur une autoroute dans l'est du pays, non loin de la frontière avec la Hongrie.

«C'est un avertissement pour que l'on se mette au travail, pour résoudre ce problème et faire preuve de solidarité», a ajouté la chancelière.

Mme Merkel a reconnu que les pays des Balkans de l'Ouest faisaient face à «d'énormes défis», en accueillant des dizaines de milliers de migrants tentant de rejoindre les pays de l'Union européenne.

«Il est de notre responsabilité d'aider ces pays», a-t-elle ajouté.

La Macédoine et la Serbie, deux des principaux points de passage des dizaines de milliers de migrants qui tentent de rejoindre l'Union européenne, ont appelé l'UE à agir.

«Nous faisons face à la plus grande crise de réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale», a souligné le ministre serbe des Affaires étrangères Ivica Dacic, en appelant l'UE à élaborer un «plan d'action».

Son homologue macédonien Nikola Poposki a souligné que son pays accueillait chaque jour 3000 migrants venant de Grèce.

«À moins d'avoir une réponse européenne à cette crise (...), personne ne doit nourrir l'illusion que cela peut être réglé», a-t-il dit. «Nous devons agir maintenant».

Lorsqu'il a été annoncé l'année dernière, ce sommet, auquel est invitée la chef de la diplomatie de l'Union européenne, Federica Mogherini, devait porter sur la coopération régionale et les perspectives d'élargissement du bloc des 28 à certains pays de la zone.

Mais la «route des Balkans de l'Ouest» cristallise désormais l'attention. Les Balkans sont traversés par des Syriens ou des Irakiens fuyant la guerre, mais aussi par des Albanais, Kosovars ou Serbes en quête d'une vie meilleure.

En bus, à pied, passant sous les barbelés ou prenant d'assaut les trains, les scènes de chaos se multiplient en Europe orientale à mesure que des milliers de migrants avancent à travers le continent.

Le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon a invité mercredi «les pays, en Europe et ailleurs, à faire preuve de compassion et à faire beaucoup plus pour venir à bout de la crise» migratoire.

La Hongrie, membre de l'UE, qui fait face à un afflux record à sa frontière avec la Serbie, a annoncé jeudi qu'un nouveau record quotidien avait été atteint avec 3241 migrants arrivés mercredi.

L'afflux s'est intensifié alors que la Hongrie doit achever le 31 août la construction d'une clôture grillagée le long des 175 km de sa frontière avec la Serbie.

51 corps dans une cale

En Méditerranée, dix opérations de sauvetage ont été lancées mercredi pour récupérer des naufragés à bord d'embarcations ou de canots pneumatiques en difficulté, dans le canal de Sicile et non loin des côtes libyennes, et 3000 migrants ont été secourus, ont détaillé les gardes-côtes italiens.

Mais 55 cadavres de migrants ont été découverts à bord de trois embarcations, dont 51 se trouvaient dans la cale de l'une d'elles, a-t-on appris de même source.

Les victimes seraient mortes asphyxiées par les émanations de gaz du moteur du petit bateau, selon des informations de presse non confirmées.

La semaine dernière, 5300 personnes ont été secourues par la marine italienne et la mission européenne Triton.

Schengen menacé?

Confrontées à l'arrivée massive de migrants, l'Italie, la Grèce ou la Hongrie se sont vu reprocher par certains de leurs partenaires de les laisser passer.

Répondant aux critiques, le chef de la diplomatie italienne, Paolo Gentiloni, a qualifié son pays de «modèle positif» sauvant «des dizaines de milliers de vies humaines» en Méditerranée.

«L'Europe a besoin d'aller dans la direction exactement opposée à celle qui consiste à taper sur les pays situés sur sa frontière extérieure», a insisté le ministre, militant pour une «européanisation de la gestion des flux».

«Les migrants arrivent en Europe, pas en Italie, en Grèce, en Allemagne ou en Hongrie. Au train où vont les choses, on risque de remettre Schengen en cause», a-t-il prévenu.

Un vice-premier ministre tchèque, Andrej Babis, a, lui, appelé à la «fermeture» de la frontière extérieure de l'espace Schengen pour «défendre» cette zone de libre circulation.

Les 28 n'arrivent pas à se mettre d'accord sur une répartition équitable des demandeurs d'asile et peinent aussi à mettre en place les centres censés soulager les pays de première entrée pour faire le tri entre migrants économiques et réfugiés.

Pour faire face à la situation, le ministre français de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, et le haut-commissaire de l'ONU pour les réfugiés (HCR), Antonio Guterres, ont appelé à créer d'urgence des «points chauds», des centres d'accueil et de tri financés par Bruxelles.

Angela Merkel s'est rendue mercredi dans un foyer de réfugiés à Heidenau (Saxe, est), théâtre d'«abjectes» violences selon ses mots, entre policiers et extrémistes durant le week-end.

Conspuée par des sympathisants d'extrême droite scandant notamment «traîtresse», elle a promis qu'elle ne ferait preuve d'«aucune tolérance vis-à-vis de ceux qui remettent en question la dignité d'autrui».

L'Allemagne attend 800 000 demandes d'asile en 2015, soit quatre fois plus que l'année précédente. Quelque 60 % des Allemands (sondage de la chaîne ZDF du 21 août) jugent que le pays a les moyens de les accueillir, mais l'extrême droite multiplie les coups d'éclat.