L'adoption vendredi par le parlement grec du troisième plan d'aide international au pays a été jugée «encourageante» par la Commission européenne, et même Berlin, avant l'avis crucial de l'Eurogroupe.

Le projet de loi, 400 pages mêlant mesures budgétaires et réformes structurelles, en échange de 85 milliards d'euros de prêts à verser sur trois ans, a recueilli l'approbation de 222 députés sur 300, 64 votant contre, 11 s'abstenant.

La Commission européenne a jugé ce vote «encourageant», permettant d'espérer le feu vert politique des ministres des Finances de la zone euro qui passent au crible les promesses grecques à partir de 9h00. Berlin a également salué ce vote, «une première condition importante»», selon le porte-parole du ministère des Affaires étrangères allemand.

Le très écouté ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble, a pourtant prévenu qu'il aura «des questions» à poser, et serait favorable au versement à Athènes d'un simple «prêt-relais» pour payer la BCE le 20 août, afin de prendre encore du temps pour étudier l'accord, et, surtout, essayer d'imposer des conditions complémentaires.

Il n'est pas le seul à avoir des réserves: la soutenabilité de la dette reste «un point de préoccupation majeur», a fait savoir le patron de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, espérant une issue positive à la réunion «qui ne sera pas courte» en raison des «des questions, des critiques» attendues.

La France poussera de nouveau, comme dans les derniers épisodes des longues tractations entre la Grèce et l'UE, pour une solution rapide sortant la Grèce de l'incertitude: la zone euro doit «décider aujourd'hui de la mise en oeuvre d'un troisième programme d'aide», a plaidé le ministre français Michel Sapin à son arrivée à Bruxelles.

D'autant qu'une nouvelle période d'instabilité pourrait s'ouvrir à Athènes: l'adoption de l'accord n'a été possible que grâce à quelque 120 voix apportées par l'opposition, et par l'allié de la gauche Syriza au sein de la coalition au pouvoir, le parti de droite souverainiste ANEL.

Près d'un tiers des 149 députés Syriza n'ont pas suivi Alexis Tsipras: 32 ont voté contre, 11 se sont abstenus, trois ont voté oui sur le texte général et non sur des mesures particulières, et un était absent.

Un revers interne pour le premier ministre qui pourrait être obligé de solliciter prochainement un vote de confiance. Dans ce climat, la perspective d'élections anticipées à l'automne prend de plus en plus de corps.

Le texte a été adopté à 10h00 à l'issue de presque 24 heures de discussions ininterrompues au Parlement, entre débats en commissions jeudi, réunions de procédure au tournant de la nuit, et séance plénière proprement dite commençant à 03h00 du matin.

Derrière ce marathon, la pointilleuse présidente du Parlement Zoé Konstantopoulou, députée Syriza fermement opposée à l'accord.

Elle a mené une véritable guérilla de procédure, Constitution grecque et règlement du Parlement en main, au risque de faire manquer à Athènes le coche de l'Eurogroupe qui se réunit à Bruxelles à 15h00.

Crise sans fin

La Grèce espère désormais un premier versement d'une vingtaine de milliards d'euros dans les prochains jours de ses créanciers (UE, FMI, BCE et Mécanisme européen de stabilité).

Cela lui permettrait notamment d'honorer à temps un remboursement essentiel de 3,2 milliards d'euros (plus 200 millions d'euros d'intérêts) à la BCE, le 20, et de rembourser les fournisseurs de l'État qui n'ont pas été payés depuis des mois.

M. Tsipras a averti, dans son discours, qu'un prêt-relais «que certains cherchent systématiquement», serait «le retour à une crise sans fin».

Pour compliquer encore la situation, le FMI a clairement indiqué jeudi qu'il ne participerait au financement du plan que si les Européens prennent prochainement «des décisions» sur un allègement de la dette grecque qu'ils détiennent en grande partie, et que le FMI juge insoutenable à son niveau actuel de 170% du PIB.

De quoi embarrasser les Européens, Allemagne surtout, qui tout à la fois exigent la participation du FMI au plan d'aide, mais ne veulent pas perdre d'argent en allégeant la dette grecque.

M. Tsipras va devoir par ailleurs donner une réponse à la rupture consommée avec l'aile gauche de son parti.

Outren Mme Konstantopoulou, qui a annoncé qu'elle «ne soutiendrait plus» un premier ministre «qui a rejoint la cohorte de ses prédécesseurs ayant accepté les mémorandums, l'ancien ministre de l'Énergie, Panagiotis Lafazanis, partisan du retour à la drachme, va créer un mouvement contre l'austérité, probable amorce d'un nouveau parti. Le gouvernement a pris acte de cette «séparation des chemins».