Le gouvernement grec de gauche radicale a fait voter mercredi une loi, la première de sa mandature, pour aider les personnes les plus durement touchées par la crise, sans craindre d'irriter ses partenaires européens qu'il veut entraîner dans une négociation politique sur le financement de la Grèce.

Dans ce but, le Premier ministre grec Alexis Tsipras rencontrera jeudi soir à Bruxelles, après le sommet des chefs d'État ou de gouvernement, plusieurs responsables européens dont les dirigeants allemand et français.

Objectif : faire sortir les discussions sur le déblocage de l'aide financière à la Grèce du cadre technique au profit d'un débat «politique», selon Athènes.

Il s'agit de trouver «une solution politique» et de débloquer une dernière tranche de prêts, vitale pour ce pays à court d'argent.

Mais pas question pour le gouvernement de dévier de ses promesses électorales: sa première loi, votée mercredi, met en oeuvre son engagement à secourir les foyers privés d'électricité ou confrontés à des problèmes de logement et de nourriture.

Le débat parlementaire sur le texte, «le premier du gouvernement de salut national» selon Alexis Tsipras, s'est achevé par une approbation massive, les deux partis d'opposition traditionnels, Nouvelle Démocratie (conservateurs) et PASOK (socialistes) ayant voté pour, aux côtés de la coalition Syriza-Grecs indépendants au pouvoir.

Le premier ministre a fait un discours très offensif devant le parlement, affirmant que son gouvernement n'avait «pas peur» des «menaces» exercées selon lui sur la Grèce.

Toutefois, les partenaires de ce pays semblent perdre patience, soulignant que peu de progrès ont été faits ces derniers jours concernant les négociations entre Athènes et Bruxelles.

Inquiétudes

Jean-Claude Juncker a répété mercredi à Bruxelles qu'il était «inquiet» à propos de la Grèce et qu'il «n'était pas satisfait des progrès réalisés au cours des derniers jours».

A Berlin, le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble a martelé que «le temps était compté» pour la Grèce.

Mardi soir, le patron de l'Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem a fait valoir, sur une radio néerlandaise, qu'«un pays qui a des problèmes n'a pas forcément à sortir de l'euro».

«Rappelez-vous le cas de Chypre», a-t-il lancé. En mars 2013, ce pays avait dû mettre en place du jour au lendemain un sévère contrôle des capitaux pour empêcher leur fuite. «Toutes sortes de scénarios sont imaginables», a ajouté M. Dijsselbloem.

Depuis la semaine dernière, des experts techniques de Bruxelles et d'Athènes essaient de trouver un terrain commun pour faire avancer les réformes qui ont été convenues le 20 février, date de l'accord passé dans le cadre de l'Eurogroupe entre la Grèce et ses créanciers, UE et FMI, sur la poursuite de l'aide à ce pays jusqu'à fin juin.

Mardi soir, le gouvernement avait soudain durci le ton contre la Commission européenne après des informations de presse selon lesquelles Bruxelles tiquait sur le vote du projet de loi humanitaire, jugeant qu'il s'agissait d'une action «unilatérale».

Quelques heures plus tard, le commissaire européen Pierre Moscovici a dû expliquer la position de la Commission. Celle-ci défend «pleinement l'objectif d'aider les plus vulnérables» en Grèce et ne met «pas un quelconque veto» aux mesures d'urgence prise pour les plus pauvres, a-t-il assuré.

«Indices dans le rouge»

Reflétant les inquiétudes sur les négociations, la Bourse d'Athènes a terminé mercredi sur une chute de 4,13% tandis que le taux de l'obligation grecque à dix ans s'est envolé pour atteindre plus de 11%, signe de la défiance des marchés.

La loi votée mercredi concerne la fourniture d'électricité gratuite aux plus pauvres, d'une aide au logement à 30 000 foyers et d'une aide alimentaire à 300 000 personnes.

Elle comprend également une aide aux personnes qui ont perdu leur emploi ces derniers mois et sont privées de sécurité sociale.

Syriza n'a cessé ces deux dernières années de condamner la poursuite de la politique d'austérité, imposée à la Grèce depuis le début de la crise en 2010, et qui a causé «une crise humanitaire», plongeant des centaines de milliers de personnes dans la misère, en raison d'une explosion du chômage, du rabotage des salaires et des retraites, ainsi que de la hausse des impôts.

«Quand tous les indices sont dans le rouge, chômage, pauvreté etc. on ne fait que ce qui est nécessaire pour faire face à ces problèmes», a lancé à l'Assemblée mercredi le ministre de l'Emploi, Panos Skourletis.

Outre ces mesures sociales, la loi prévoit «la création d'un secrétariat général pour la lutte contre la corruption», sur laquelle le gouvernement mise pour augmenter les recettes publiques.