Les ministres de l'Intérieur de l'UE ont adopté jeudi à Riga un plan de bataille «concret et ambitieux» afin de contrer la propagande des islamistes radicaux et prévenir de nouveaux attentats en Europe.

«Nous sommes en situation difficile, mais nous ne sommes pas battus», a déclaré le ministre letton Rihards Kozlovskis à l'issue de la réunion.

Les attaques qui ont fait 17 morts (sans compter les trois djihadistes) début janvier à Paris «ont catalysé un processus», a expliqué son homologue français Bernard Cazeneuve. «Nous avons été trop lents», a-t-il concédé.

L'alerte contre les risques liés à la radicalisation des jeunes musulmans européens a été sonnée dès 2008 par le coordinateur européen de la lutte contre le terrorisme Gilles de Kerchove. Mais il n'a pas été entendu.

«Il y a urgence» à agir, a insisté le ministre belge de l'Intérieur Jan Jambon. Après les attaques à Paris, la Belgique a mené un raid contre une cellule composée de jeunes musulmans belges radicalisés prêts à commettre des attentats, et des coups de filet ont été menés dans les milieux islamistes de plusieurs pays européens.

«La menace est forte et chaque minute de perdue est une occasion donnée aux terroristes d'agir», a souligné Bernard Cazeneuve.

Contrôles obligatoires

Une série d'actions concrètes ont été adoptées jeudi dans une déclaration commune. Elles seront discutées lors du sommet européen du 12 mars.

L'UE veut pouvoir rendre obligatoires les contrôles des ressortissants de l'UE à leur arrivée aux frontières extérieures de l'Espace Schengen, notamment les aéroports. Certains États veulent également pouvoir mener plus facilement des contrôles aléatoires autorisés à l'intérieur de leur territoire, a expliqué le ministre espagnol Jorge Fernandez Diaz.

L'UE veut également se doter d'un registre européen des données des passagers des avions afin de pouvoir suivre les déplacements des personnes suspectes.

Elle va par ailleurs se doter de la technologie pour suivre les échanges sur les réseaux sociaux, bloquer les sites, images et messages utilisés pour radicaliser les plus jeunes, et pouvoir décrypter certaines communications. Europol, l'office de police criminelle européen, va se voir confier cette mission.

Elle veut enfin travailler contre les causes de la radicalisation des musulmans en Europe, notamment en prison, éviter qu'ils ne soient recrutés par les mouvements islamistes, empêcher leur départ pour les zones de conflit en Syrie, en Irak et en Libye et les localiser à leur retour en Europe afin de les mettre hors d'état de nuire. Entre 3000 et 5000 ressortissants des États membres sont partis et 30 % sont revenus.

Ne plus agir en ordre dispersé

L'Union européenne veut ainsi faire bloc et ne plus agir en ordre dispersé, comme elle le fait actuellement.

Ces dispositions communes vont également faciliter l'application des mesures nationales, comme la décision de la France de priver de documents d'identité et de voyage les personnes soupçonnées de vouloir rejoindre les organisations djihadistes implantées en Syrie et en Irak. Leurs identités seront communiquées aux autres États via le Système d'information Schengen (SIS)

Mais pour cela il va falloir modifier, interpréter, améliorer les normes et les lois existantes. Cette mission a été confiée à la Commission européenne et acceptée par le commissaire Dimitris Avramopoulos, qui a confirmé à Riga son intention de rester en fonctions. Des informations venues de Grèce le donnaient en effet comme possible candidat à la présidence de la République.

«Les citoyens attendent que nous prenions des mesures et je ne ménagerai aucun effort pour répondre à ces attentes», a-t-il affirmé.

Le registre européen des données des passagers (PNR) est le point difficile. La proposition, approuvée par les gouvernements, est bloquée au Parlement européen, qui réclame des garanties pour la protection de ces données.

«Nous souhaitons ce PNR aussi rapidement que possible et dans notre esprit, c'est en 2015», a affirmé Bernard Cazeneuve. «Pour cela nous allons prendre le temps de convaincre», a-t-il assuré. Le ministre se rendra le 4 févier à Bruxelles pour rencontrer les élus européens les plus réticents. «Il va falloir faire des concessions», a-t-il reconnu. Mais sur ce point, il devra convaincre les Britanniques, hostiles à toute modification du texte.