Bravant le froid et la grisaille, des dizaines de milliers de personnes en liesse célébraient dimanche les 25 ans de la chute du Mur de Berlin, événement porteur d'espoir pour les peuples opprimés, selon la chancelière Angela Merkel.

«La chute du Mur (le 9 novembre 1989) a montré que les rêves peuvent devenir réalité», a lancé Angela Merkel, dimanche midi en inaugurant une nouvelle exposition au Mémorial du Mur, dans la Bernauer Strasse, une rue divisée durant 28 ans.

«Nous pouvons changer les choses en bien, c'est le message» qu'ont délivré à l'époque les centaines de milliers d'Allemands de l'Est descendus dans la rue pour réclamer plus de liberté par la seule force de leurs voix et de leurs bougies, a-t-elle ajouté.

La chancelière, qui a vécu jusqu'à l'âge de 35 ans derrière le Rideau de fer, a jugé que ce message d'espoir s'adressait aujourd'hui aux peuples opprimés «en Ukraine, en Syrie, en Irak et partout où les libertés et les droits de l'Homme sont menacés ou même foulés aux pieds».

Le pape François a lui aussi appelé depuis Rome à construire «des ponts, pas des murs».

Traditionnel visiteur de Berlin le 9 novembre, le dernier dirigeant de l'URSS, Mikhaïl Gorbatchev, 83 ans, largement crédité d'avoir permis la réunification allemande, s'est montré beaucoup plus pessimiste, estimant samedi que le monde était «au bord d'une nouvelle Guerre froide». «Certains disent qu'elle a déjà commencé», a ajouté l'octogénaire.

C'est le citoyen lambda qui est cette année au centre des commémorations placées sous le signe du «Courage de la liberté», alors que le 20e anniversaire avait vu défiler une brochette de dirigeants en exercice.

Des milliers de visiteurs se sont rassemblés dès le milieu de journée autour des stands de vin chaud ou de saucisses devant la très symbolique Porte de Brandebourg, située à l'est, dans un vaste no man's land, lors de la partition de la ville et lieu de tous les grands rassemblements depuis la Réunification.

Avec une ponctualité et une météo grise et froide toutes allemandes, une grande «fête populaire» a débuté à 14 h (8 h au Québec) avec orchestre classique, rock stars et anciens dissidents politiques devant se partager les scènes. Pour rester fidèle à l'hommage à la population, le fondateur de Genesis Peter Gabriel devait interpréter dans la soirée «Heroes», chanson composée par David Bowie lorsqu'il habitait Berlin-Ouest.

La journée a commencé sur un registre plus sombre, avec un service oecuménique dans la Chapelle de la réconciliation construite dans la «bande de la mort» qui séparait les deux parois du Mur. Puis la cérémonie officielle du gouvernement allemand, très brève, a réuni quelques dizaines de personnes, sans invité étranger.

Ce sont des représentants des mouvements de citoyens de l'époque qui ont pris la parole. Mme Merkel, vêtue d'un long manteau noir, et les autres participants ont piqué des roses dans les restes du Mur, en hommage aux 138 Allemands tués au Mur en essayant d'échapper à la RDA.

La chancelière a notamment évoqué le sort de ceux qui ont sauté d'une fenêtre de leur appartement pour passer à l'Ouest au moment de la construction du «Mur de la honte».

Plus d'un million de visiteurs allemands et étrangers devaient faire le voyage de Berlin ce week-end pour commémorer cet événement qui a sonné la fin de la Guerre froide et annoncé la Réunification de l'Allemagne et de l'Europe, selon l'organisme de tourisme Visit Berlin.

Une foule compacte a arpenté samedi jusque tard dans la nuit les 15 km où se dressait le Mur et où sont plantés depuis vendredi soir quelque 6900 ballons lumineux.

Pour de nombreux Allemands, l'édifice de béton qui entourait Berlin-Ouest sur 155 km a symbolisé des séparations familiales douloureuses pendant 28 ans.

L'envol à partir de 19 h 15 (13 h 15 au Québec) de cette «Frontière de lumière», comme s'intitule le projet, au son de l'Ode à la joie de Beethoven, l'hymne de l'Union européenne, doit constituer le temps fort des commémorations.

Le 9 novembre 1989, après des semaines de manifestations monstres d'Allemands de l'Est réclamant plus de liberté, le régime communiste avait annoncé par surprise que ses ressortissants pourraient désormais voyager à l'étranger.

Quelques heures plus tard, les gardes-frontière de Berlin-Est, débordés, avaient ouvert le Mur.

Le 9 novembre est une date hautement symbolique en Allemagne car c'est aussi celle du terrible pogrom dit de la «Nuit de cristal», perpétré par les nazis en 1938.