«Nous demandons seulement un lieu sécuritaire et durable pour vivre. Nous ne demandons pas d'argent, car nous travaillons et nous assumons nos responsabilités», lance un père de famille, en colère.

L'homme fait partie de la soixantaine de Roms qui crèchent dans un gymnase du 10e arrondissement depuis près d'une semaine à la suite de l'évacuation d'un campement à Bobigny, situé en banlieue de Paris, mardi dernier.

«Je ne comprends pas comment on peut nous jeter dehors dans le froid avec nos enfants!», s'indigne Nikolaï.

Invalide en raison d'un handicap à la main droite, le père de famille - qui s'identifie avec un pseudonyme - vient de la Bulgarie. Sa pension n'était pas suffisante pour subvenir aux besoins de sa famille, il a donc tenté sa chance en France avec sa femme et son plus jeune fils. Ses deux autres enfants sont restés en Bulgarie. Ils vont à l'école et vivent chez leurs grands-parents.

«Ici, j'arrive à gagner assez d'argent avec de la ferraille et des ventes d'objets récupérés», explique-t-il.

Entre 200 et 300 personnes vivaient depuis plus de trois ans dans ce qui est appelé le campement des Coquetiers de Bobigny, situé en banlieue nord-est de Paris. Invoquant la salubrité des lieux, le nouveau maire de la ville, Stéphane De Paoli (UDI), a ordonné par arrêté municipal l'évacuation des lieux, mardi dernier.

«Il a été élu après s'être engagé à expulser le bidonville, dénonce Samir Mile, président du groupe de défense La Voix des Roms. L'État a envoyé la police.»

Après avoir été expulsés de leur bidonville, des Roms qui n'ont pu se reloger sont ensuite allés manifester à la place de la République, à Paris, avant d'être chassés et de tenter de trouver refuge dans l'hôpital Saint-Louis. En vain. «La police est revenue», raconte Samir Mile. Et c'est ensuite que la Ville de Paris a décidé de fournir temporairement un gymnase à une soixantaine de Roms, qui ont reçu de l'aide de différents organismes, dont Amnistie internationale.

Des enfants jouaient au soccer quand La Presse a visité le gymnase Marie-Paradis du 10e arrondissement. Des lits de camp avaient été aménagés devant des paniers de basketball. Les familles évacuées tuaient le temps et discutaient avec des intervenants de l'organisme Les Enfants du canal, qui lutte contre le «mal-logement».

L'évacuation de bidonville aggrave les problèmes d'intégration des Roms à la société, plaide Marine Manastireanu. «Beaucoup de gens pensent que les Roms vivent toujours comme des nomades, mais les parents évacués travaillaient et leurs enfants allaient à l'école à Bobigny. Avec les classes qui reprennent lundi [après une semaine de relâche], je ne sais pas ce qui va arriver», a indiqué la jeune femme, qui fait son service civique (un programme de bénévolat) aux Enfants du canal.

«Les évacuer ne règle pas le problème»

La semaine dernière, les préfectures des régions Île-de-France et Seine-Saint-Denis ont pressé à l'État d' «assumer ses responsabilités». Une entente a été conclue jeudi dernier pour une «prise en charge adaptée» des Roms.

Aujourd'hui, les familles iront dans des centres d'accueil pour une durée de 15 jours, «au cours desquels sera réalisé un diagnostic social qui permettra de définir des orientations adaptées», a indiqué la Ville de Paris dans un communiqué. «Au terme de ce délai, des réponses individuelles seront proposées aux familles manifestant leur volonté de s'inscrire dans un parcours durable d'insertion, y compris pour leurs enfants.»

«C'est un début de solution», a dit hier Samir Mile à La Presse.

Le président de La Voix des Roms craint que des familles soient séparées et il s'inquiète pour les autres Roms «dehors avec leurs enfants» qui ne se sont pas réfugiés au gymnase Marie-Paradis après l'évacuation du campement à Bobigny.

«En France, il y a une volonté politique de faire disparaître les bidonvilles de Roms. Les évacuer ne règle pas le problème d'intégration et d'accès au logement», dénonce le Rom, qui est né en Albanie et qui vit en France depuis ses études.

En septembre 2013, le gouvernement français estimait que 17 000 Roms vivaient dans quelque 400 bidonvilles sur son territoire. De ce nombre, 13 000 personnes vivaient dans des campements sans gestion des déchets et 3700 n'avait pas accès à de l'eau potable.