Le président allemand Joachim Gauck fait une première visite officielle au Canada cette semaine. Depuis son élection, en 2012, M. Gauck s'est appliqué à renouveler la fonction, n'hésitant pas à lancer des idées qui font débat, appelant l'Allemagne à s'imposer «de manière responsable» dans la résolution de conflits internationaux. «Notre pays est meilleur que jamais», dit le président dans une entrevue exclusive accordée à La Presse et au Globe and Mail.

Vous visitez le Canada à un moment-clé, alors que l'Union européenne conclut un important accord de libre-échange avec le Canada et au moment où le rôle de l'OTAN est revenu à l'avant-scène. Comment voyez-vous les relations entre l'Allemagne et le Canada?

Le Canada est un partenaire-clé pour l'Allemagne. Nos pays sont liés par une amitié proche, nous partageons plusieurs valeurs fondamentales et nous travaillons dans un climat de confiance mutuelle dans plusieurs institutions et alliances internationales. L'importance de notre amitié est particulièrement évidente lors de crises internationales, comme celle que nous voyons actuellement en Ukraine. Il y a de la place pour une plus grande collaboration économique et académique, et c'est pourquoi je suis accompagné au Canada d'une délégation d'affaires de haut niveau.

Plus tôt cette année, vous avez suggéré que le temps était venu pour l'Allemagne de prendre une plus grande place dans la résolution des conflits internationaux, incluant les conflits armés. Qu'est-ce qui a motivé votre sortie et que dites-vous aux citoyens allemands qui ne sont pas enclins à voir leur pays s'impliquer dans des zones troublées du globe?

L'Allemagne a connu une transformation remarquable depuis les crimes abominables qu'elle a commis durant le siècle dernier, depuis l'établissement de la République fédérale et, finalement, la fin de la division de l'Europe. Aujourd'hui, nous avons un État fonctionnel, gouverné par les lois, et une démocratie stable, où les droits de l'homme et la justice sociale sont importants et respectés. Notre pays est meilleur que jamais. Durant mes voyages à l'étranger, je vois à quel point l'Allemagne est vue comme un médiateur, un partenaire. Nous devrions utiliser cette influence de manière responsable, notamment en utilisant des méthodes politiques et diplomatiques pour tenter de résoudre des conflits.

Vous avez critiqué l'invasion russe dans l'est de l'Ukraine, en disant: «L'histoire nous enseigne que les concessions territoriales ne font qu'accroître l'appétit des agresseurs.» L'Occident a-t-il été trop timide dans sa réponse à l'incursion de la Russie?

Non, je ne le crois pas. Au contraire, l'Union européenne, le Canada, les États-Unis, l'Occident au complet - nous sommes tous engagés dans la crise ukrainienne depuis le début. Le gouvernement allemand a mené des pourparlers intensifs avec tous les côtés durant des mois pour aider à faire baisser la tension. Parallèlement, de nouvelles sanctions ont été nécessaires parce que la Russie a autorisé ou provoqué de nouvelles tensions. Il ne faut pas oublier que la crise actuelle a été provoquée par une violation de la souveraineté territoriale de l'Ukraine. Nous condamnons cette situation et ne reconnaissons pas l'annexion de la Crimée.

Des personnalités politiques dans le monde, allant d'Hillary Clinton aux États-Unis à David Cameron au Royaume-Uni, ont comparé l'invasion de Vladimir Poutine en Ukraine à l'invasion de la Pologne par le Troisième Reich en 1939. Est-ce que cette comparaison est inappropriée?

Il est clair que la situation d'aujourd'hui n'est pas la même que celle qui prévalait à l'aube de la Seconde Guerre mondiale. Le contexte à l'époque était complètement différent. Néanmoins, l'histoire fait porter à l'Allemagne une responsabilité spéciale en ce qui a trait à la résolution pacifique des conflits dans la région. Nous ne pouvons pas garder les bras croisés - en d'autres mots, nous devons répondre d'une manière sans équivoque, incluant, lorsque nécessaire, des sanctions appropriées.

Président et chancelier

L'Allemagne possède un président et un chancelier. Le président est le chef de l'État de la République fédérale d'Allemagne. Il est considéré comme étant «au-dessus des trois branches du gouvernement», sa fonction étant essentiellement morale et apolitique. Depuis 2005, la chancelière de l'Allemagne est Angela Merkel. Elle est la chef du gouvernement et est le pont central du pouvoir exécutif.