La justice française a suspendu l'enquête qui vaut à Nicolas Sarkozy d'être inculpé pour corruption depuis juillet dans l'attente d'une décision sur des requêtes en nullité déposées par l'ex-président, lui donnant un répit alors qu'il vient de reprendre la politique.

Cette décision mardi de la chambre de l'instruction, apprise mercredi par l'AFP de source proche du dossier, conserve à Nicolas Sarkozy son statut de mis en examen (inculpé). L'ancien chef d'État de droite (2007-2012) est soupçonné d'avoir tenté d'obtenir auprès d'un magistrat des informations dans un dossier judiciaire le concernant.

L'ordonnance de suspension de l'instruction n'a pas à être motivée et n'est pas susceptible de recours. Elle ne préjuge pas des suites de la procédure.

En vertu de cette décision, les enquêteurs vont devoir geler leurs investigations le temps - peut-être plusieurs mois - que la cour d'appel se prononce sur les requêtes en nullité déposées par M. Sarkozy et son avocat, Me Thierry Herzog, également inculpé.

Les deux hommes contestent la légalité des écoutes téléphoniques qui ont conduit à leur inculpation pour corruption.

Nicolas Sarkozy est revenu en politique vendredi pour prendre la présidence de son parti, l'UMP, un poste à pourvoir fin novembre dont il compte se servir pour tenter de regagner l'Élysée lors de la prochaine présidentielle de 2017 en France.

Il s'est défendu dimanche de toute malversation dans la demi-douzaine d'affaires judiciaires dans lesquelles son nom est cité, sans parler précisément de son inculpation pour corruption.

Les juges Claire Thépaut et Patricia Simon cherchent à déterminer si Nicolas Sarkozy a essayé avec Thierry Herzog d'obtenir auprès d'un haut magistrat, Gilbert Azibert, des informations couvertes par le secret sur une procédure le concernant, à savoir une saisie de ses agendas. En échange, Nicolas Sarkozy aurait promis d'intervenir pour que ce dernier obtienne un poste de prestige à Monaco.

Au final, l'ex-président n'a pas obtenu gain de cause ni M. Azibert le poste convoité. «M. Azibert était candidat à un poste à Monaco (...) Thierry Herzog m'a demandé si je pouvais me renseigner pour faire une démarche auprès de Monaco. Je n'ai pas fait cette démarche», avait assuré début juillet Nicolas Sarkozy.

Les juges s'interrogent également sur les conditions dans lesquelles l'ex-président a été informé de son placement sur écoutes par la justice, initialement ordonné dans une enquête sur des accusations de financement par la Libye de Mouammar Kadhafi de sa campagne présidentielle en 2007.

Autres affaires en cours

Après l'avoir placé en garde à vue, une première pour un ancien chef de l'État français, les juges Thépaut et Simon avaient mis en examen début juillet M. Sarkozy pour «corruption active», «trafic d'influence actif» et «recel de violation du secret professionnel».

Son avocat Thierry Herzog l'a été pour «violation du secret professionnel et recel de ce délit», «corruption active» et «trafic d'influence actif» et Gilbert Azibert pour «recel de violation du secret professionnel», «trafic d'influence passif» et «corruption passive».

Dans le passé, Nicolas Sarkozy a mis en cause l'impartialité de Claire Thépaut, au motif qu'elle est membre du Syndicat de la magistrature, marqué à gauche.

Outre ce dossier de corruption, plusieurs affaires sont susceptibles de gêner les nouvelles ambitions politiques de M. Sarkozy.

La justice s'intéresse ainsi à ses comptes de campagne 2012 après des aveux de surfacturation de prestations rendues à l'UMP par l'ancien directeur adjoint de la campagne présidentielle de l'ex-chef d'État, Jérôme Lavrilleux.

Député européen, Jérôme Lavrilleux pourrait être exclu du parti UMP auquel il appartient toujours.

Dix à 11 millions d'euros (14 à 15 millions de dollars) auraient été imputés à l'UMP pour dissimuler un dépassement du plafond de dépenses de campagne autorisé. Les enquêteurs devraient prochainement procéder à des auditions, selon une source proche du dossier.

Outre le dossier libyen, des juges enquêtent sur la régularité de contrats conclus, sans appel d'offres, entre l'Élysée et neuf instituts de sondage sous le quinquennat Sarkozy, dont la société d'un de ses ex-conseillers, Patrick Buisson.