La fronde contre l'austérité et contre la chancelière allemande Angela Merkel du bouillant ministre de l'Économie, Arnaud Montebourg, a provoqué la chute du gouvernement de Manuel Valls en France, chargé par le président François Hollande de composer une nouvelle équipe «cohérente» dès mardi.

Arnaud Montebourg a annoncé lundi qu'il ne fera pas partie du nouveau gouvernement français que le premier ministre Manuel Valls doit constituer d'ici mardi, disant vouloir «reprendre sa liberté» après avoir critiqué la politique économique du président François Hollande.

«Les politiques de réduction des déficits (...) sont une absurdité financière, car, en plombant la croissance, elles empêchent par la chute de l'activité la réalisation de leurs propres objectifs», a déclaré le ministre lors d'une brève allocution publique à son ministère.

Après un week-end marqué par les déclarations critiques de M. Montebourg, la sanction est tombée lundi: le premier ministre Manuel Valls a présenté à François Hollande la démission de l'ensemble de son gouvernement.

Manuel Valls, reçu pendant une heure lundi matin par le chef de l'État, est désormais chargé de constituer, d'ici à mardi, une «équipe en cohérence avec les orientations» que le chef d'État a définies, selon un communiqué de la présidence.

Il s'agit de la première crise gouvernementale depuis la nomination comme premier ministre de Manuel Valls, qui a succédé à Jean-Marc Ayrault après la déroute de la gauche aux élections municipales fin mars, remportées par la droite et le Front national (extrême droite).

Arnaud Montebourg avait été sévèrement rappelé à l'ordre dimanche par l'entourage de M. Valls, qui juge inacceptables ses critiques virulentes contre la politique économique du gouvernement.

«On considère qu'une ligne jaune a été franchie dans la mesure où un ministre de l'Économie ne peut pas s'exprimer dans de telles conditions sur la ligne économique du gouvernement et sur un partenaire européen comme l'Allemagne», avait déclaré à l'AFP un membre de l'entourage de M. Valls.

Mais l'hypothèse d'un recadrage était privilégiée et personne ne s'attendait à un remaniement. Dans ces conditions, le maintien au gouvernement d'Arnaud Montebourg, 51 ans, qui était aux commandes depuis le printemps d'un grand pôle ministériel économique, paraît très improbable.

«Hausser le ton» face à l'Allemagne

Dans un entretien publié samedi par le quotidien Le Monde, M. Montebourg s'est inscrit en faux contre la ligne économique choisie par François Hollande et Manuel Valls, tous deux socialistes comme lui.

«L'Allemagne est prise au piège de la politique austéritaire qu'elle a imposée à toute l'Europe», a-t-il déclaré. «Je veux parler de la droite allemande qui soutient (la chancelière) Angela Merkel. La France n'a pas vocation à s'aligner sur les axiomes idéologiques de la droite allemande», a dit M. Montebourg.

«Nous ne pouvons plus nous laisser faire», a asséné le ministre qui a invité à «hausser le ton» vis-à-vis de l'Allemagne. M. Montebourg est connu pour ses prises de position tranchées qui ont plus d'une fois suscité la polémique au sein du gouvernement.

Ses déclarations intervenaient après une fin de non-recevoir infligée par Berlin à l'appel du président Hollande à une réorientation des politiques européennes en faveur de la croissance et de l'emploi, dans un contexte de morosité économique persistante en France.

Arnaud Montebourg a confirmé lundi ses critiques de la politique économique de François Hollande et Manuel Valls en se défendant de toute «infraction à la solidarité gouvernementale».

Invité sur la radio Europe 1 peu avant l'annonce de la démission du gouvernement, il avait assuré qu'il ne se plaçait pas «dans l'hypothèse» d'un départ du gouvernement.

«Ce soir, s'il est encore en poste à l'Économie, il n'y a plus de premier ministre», avait au contraire jugé le chef de file des sénateurs écologistes Jean-Vincent Placé.

Arnaud Montebourg était avec son collègue de l'Éducation nationale Benoît Hamon, qui a pris sa défense, la caution de l'aile gauche du gouvernement. Une frange du Parti socialiste conteste de plus en plus vivement la politique économique du gouvernement, critiquant notamment les allègements de cotisations pour les employeurs, censés favoriser l'emploi, et les économies massives destinées à lutter contre le déficit public.

Le chômage a atteint un niveau historique, avec 3,398 millions de demandeurs d'emploi fin juin, frôlant les 10 % de la population active. Depuis l'élection de François Hollande en mai 2012, près d'un demi-million de nouveaux demandeurs d'emploi sans activité ont été enregistrés en France.

Chargé du «redressement productif», défenseur inlassable du «made in France», Arnaud Montebourg avait pris au printemps la tête d'un grand portefeuille économique.