Les Suisses doivent voter le 18 mai sur une proposition référendaire pour instaurer un salaire minimum de 4000 francs par mois (l'équivalent de quelque 27,50 $ l'heure), ce qui, ajusté en fonction du pouvoir d'achat, serait le salaire minimum le plus élevé du monde. Trois questions à Alexandre Afonso, Suisse qui enseigne la politique comparée au département d'économie politique du King's College de Londres.

L'initiative référendaire sur le salaire minimum, proposée par les grands syndicats, est-elle bien perçue par les Suisses?

Il y a un très fort clivage gauche-droite. D'après les derniers sondages, environ 65 % des sympathisants socialistes et verts le soutiennent, alors que moins de 30 % des libéraux et UDC (droite conservatrice) soutiennent les salaires minimaux. Les démocrates chrétiens sont plus partagés. Il faut savoir que la gauche en Suisse est plutôt faible. Les partis de droite et surtout les employeurs ont investi massivement dans la campagne contre. Les partis de droite semblent avoir assez bien réussi à mettre en avant les conséquences potentielles de l'initiative sur l'emploi. Dans les cas où les conséquences des réformes sont incertaines, les votants préfèrent souvent le statu quo.

Selon votre expérience, les gagne-petit ont-ils du mal à joindre les deux bouts, payer le loyer, etc.?

La Suisse est un pays riche, et en comparaison avec ses voisins, la pauvreté et les inégalités sociales sont relativement faibles, même s'il y a comme ailleurs un nombre non négligeable de travailleurs pauvres et que la vie est très chère. Ce qui est remarquable, c'est que ces résultats sont obtenus sans le système de redistribution que l'on trouve dans les pays scandinaves: contrairement à eux, les impôts en Suisse sont bas, le système de santé est largement privatisé avec des primes par tête (non liées au revenu) et un État social qui redistribue à peine plus que les Etats-Unis ou le Canada.

Croyez-vous que le oui va l'emporter?

En l'état des choses, je ne pense pas que l'initiative va passer. En 2012, une initiative pour instaurer six semaines de vacances pour tous avait été refusée; je pense que celle-ci connaîtra le même destin, à moins d'un retournement spectaculaire.

90 %

Pourcentage des Suisses qui gagnent déjà plus de 27,50 $ l'heure. Mais les patrons craignent que l'imposition de ce salaire plancher ne fasse grimper les salaires pour l'ensemble des Suisses.