Le premier ministre social-démocrate Robert Fico et le millionnaire devenu philanthrope Andrej Kiska, tous les deux euro-enthousiastes, vont se livrer un duel serré samedi, lors du second tour de l'élection présidentielle slovaque qui clôt une campagne acharnée.

Chef du gouvernement en 2006-2010 et depuis 2012, M. Fico, 49 ans, a remporté le 15 mars le premier tour du scrutin, avec 28% des suffrages, devant M. Kiska, 51 ans, fort du soutien de 24% des électeurs.

Ce dernier est toutefois censé bénéficier des voix des électeurs d'autres prétendants qui ont échoué au premier tour, et qui ont obtenu au total 34% des voix.

La victoire de M. Fico donnerait à son parti Smer-SD un contrôle total de la présidence, du Parlement (83 sièges sur 150 depuis 2012) ainsi que du gouvernement, une situation inédite depuis l'indépendance de la Slovaquie en 1993.

Juste avant le second tour, la campagne électorale a viré sur le thème de la religion, question sensible dans ce pays de 5,4 millions d'habitants dont quelque 60% se déclarent catholiques.

Fervent communiste avant la chute du régime totalitaire en 1989, M. Fico a évoqué alors son enfance au sein d'une famille catholique, n'hésitant pas à accuser son rival d'être proche des scientologues.

M. Kiska a rejeté cette étiquette avec véhémence.

«Je suis né et j'ai été élevé au sein d'une famille catholique. J'ai certes flirté avec le judaïsme et le bouddhisme, mais je suis revenu au catholicisme», a-t-il assuré.

M. Fico «cherche à provoquer des émotions négatives en dépeignant M. Kiska comme un élément étranger au sein d'une société slovaque conservatrice et relativement homogène», estime l'analyste Grigorij Meseznikov.

Fort du soutien de la gauche européenne représentée notamment par le président français François Hollande et le chef du Parlement européen Martin Schulz, M. Fico s'évertue à présenter son rival comme un blanc-bec politique, n'ayant aucune expérience pour occuper le poste de chef de l'État.

M. Fico a qualifié son rival d'«usurier», en allusion à ses activités au sein des sociétés de microcrédit qu'il avait fondées dans les années 1990, avant d'en vendre les parts en 2005 pour se consacrer entièrement à la philanthropie.

De son côté, M. Kiska a misé sur son image de bienfaiteur professionnel jamais éclaboussé par les scandales politiques, se présentant aussi comme un rempart contre un pouvoir monopolisé par M. Fico, dans ce pays membre de l'UE depuis 2004 et de la zone euro depuis 2009.

Premier président sans passé communiste?

M. Fico pourra probablement compter sur le soutien de ses partisans restés à la maison lors du premier tour où le taux de participation a été de 43,4%, chiffre le plus bas depuis la première élection présidentielle slovaque au suffrage universel, en 1999.

«Une partie de ces partisans auraient pu rester à la maison il y a quinze jours, persuadés que la victoire était acquise», estime l'analyste Pavol Haulik, interrogé par l'AFP.

M. Fico a obtenu quelque 530 000 voix au premier tour, chiffre en recul considérable comparé à la bagatelle de 1,1 million de voix recueillies par son parti Smer-SD lors des législatives de 2012.

Il se présente comme un défenseur des pauvres, après s'être assuré un capital politique solide grâce à ses mesures contre l'austérité, tempérées par une discipline budgétaire.

Le PIB de la Slovaquie devrait progresser de 2,4% en 2014, selon une récente prévision de la banque centrale.

«Je vis bien depuis qu'il est premier ministre», affirme Helena, une retraitée de Bratislava âgée de 84 ans.

Un autre retraité, Stefan Bodnar, estime que M. Kiska ne serait pas enclin à la corruption, en raison de sa fortune.

«Il est déjà suffisamment riche. Il est donc moins probable qu'il sera corruptible par les lobbyistes et les requins de la finance», a-t-il déclaré à l'AFP.

En cas de victoire, M. Kiska deviendra le premier président slovaque sans passé communiste depuis l'indépendance de la Slovaquie en 1993.

Le nouveau chef de l'État prêtera serment le 15 juin, après l'expiration du second mandat de l'actuel président de gauche Ivan Gasparovic.