En France, l'exemple vient de haut. Les présidents ont eu des maîtresses, de Giscard d'Estaing à Hollande en passant par Mitterrand et Chirac. Les Français sont-ils plus infidèles? Difficile à dire, mais une chose est certaine, ce sont des Français qui ont créé le premier site de rencontres extraconjugales en Europe, Gleeden.com. En cette période où les escapades nocturnes de François Hollande ont fait les choux gras des médias, La Presse s'est penchée sur ce site pas comme les autres.

Gleeden.com ne se cache pas. Au contraire. Sa publicité s'étale dans le métro et les autobus à coups de grandes affiches publicitaires. Des slogans accrocheurs au ton badin encouragent l'infidélité: «Les vacances, c'est toujours l'occasion d'aller voir ailleurs»; «Mesdames, c'est bien connu, tous les beaux mecs sont déjà mariés»; «C'est parfois en restant fidèle qu'on se trompe le plus»; «Par principe, nous ne possédons pas de carte de fidélité»...

Je me suis inscrite à Gleeden. Mon texte de présentation précisait que j'avais 49 ans, que j'étais mariée depuis 20 ans, que j'étais heureuse en couple, mais que ma vie manquait de piment. En quelques jours, j'ai reçu plus d'une centaine de messages d'hommes mariés. Certains torrides, d'autres curieux. Leurs propos n'avaient rien d'équivoque, à l'image du site qui joue cartes sur table. Gleeden.com a été créé pour les gens mariés, hommes et femmes, à la recherche d'une aventure extraconjugale.

J'ai rencontré un homme dans un bistrot, le soir. Il a accepté de me raconter sa vie, même si je lui ai dit que j'étais une journaliste et non une femme mariée en quête d'aventure... pimentée.

La libido de Léo

Il m'attend à la porte du bistrot. Petit, bien enveloppé, chemise bleu poudre, veston beige, cravate jaune.

C'est la publicité de Gleeden qui l'a accroché et qui a excité sa libido à fleur de peau. C'était le 2 janvier 2013 dans le métro. «Ça y est, cette année, je trompe mon mari», a-t-il lu sur un grand panneau. Léo a été séduit par la franchise de Gleeden qui osait faire la promotion de l'adultère.

L'idée lui a trotté dans la tête, mais il n'osait pas s'inscrire sur gleeden.com. Il vit avec sa conjointe depuis sept ans. «On est connectés, je l'aime plus que tout. La nuit, je la prends dans mes bras et je la serre très fort. C'est comme si j'étais en couple avec ma meilleure amie.»

Il a hésité pendant six mois. «J'y vais, j'y vais pas.» Puis, il a plongé.

Depuis, il s'éclate. Il a fait l'amour partout: au cinéma, dans le couloir d'un théâtre, dans des toilettes publiques. Il a pris des risques. C'est ce qui l'allume: la délicieuse et terrifiante idée de se faire prendre en flagrant délit.

Il garde un souvenir électrisant de sa fellation dans les toilettes d'une gare. Il avait peaufiné les détails de la rencontre avec une inconnue abonnée à Gleeden. L'endroit précis, l'heure exacte. Pendant que le mari s'occupait des bagages, l'inconnue s'est faufilée dans les toilettes pour femmes. Léo l'attendait fébrile, au comble de l'excitation. Elle s'est penchée et elle lui a fait une fellation. Il frissonne en se remémorant ces brèves minutes d'extase.

«J'aime les jeux, je suis très créatif. J'ai besoin d'être surpris, stimulé. J'aime l'épopée, la fantasmagorie. Dans les relations extraconjugales, on est libre. On ne se voit pas tous les matins au petit-déjeuner. La routine tue.»

Sur Gleeden, il a un pseudonyme, comme tous les membres. Le sien: fantômedelopera. Il aurait aimé vivre à la fin du XIXe siècle, dans un Paris libertin où tout, ou presque, était permis.

Il se définit comme un mâle dominant. «Une domination soft, très sexuelle», précise-t-il.

Il a couché avec des femmes de tête, des dirigeantes d'entreprises. «Au lit, elles aiment être soumises. La soumission totale. Plusieurs aiment avoir les yeux bandés.»

Le mépris de la normalité

Léo méprise les gens normaux. «Ils ont besoin d'être rassurés. Ils font partie du groupe des «Tout va bien». Je rejette les conneries de l'éducation judéo-chrétienne. On est en 2014. On ne devrait pas parler d'infidélité, mais de liberté. La majorité a tort, elle dort. Je suis 50 ans en avance sur mon temps.»

Il ne touche pas à son verre, un monaco, mélange de bière, de grenadine et de soda. Il raconte ses fantasmes d'une traite, les yeux brillants. Il n'en a jamais parlé à son entourage, encore moins de son abonnement à Gleeden. «Personne ne sait rien de moi et personne n'a rien à savoir.»

Léo travaille dans la finance, il a un diplôme universitaire. Et de l'argent. Je lui demande combien il fait par année. Il est choqué. Des détails sur sa vie sexuelle, oui, mais son salaire, non. Tabou.

Il a 40 ans, sa femme 39. Elle veut des enfants. Léo résiste. «C'est un souci», dit-il.

S'il a des enfants, il risque de perdre une partie de sa liberté. Il ne veut pas, il ne peut pas, il a trop besoin de ses fantasmes et de son fantôme de l'opéra pour déjouer la routine qui tue.