Le plus célèbre opposant au président Vladimir Poutine, l'ex-oligarche Mikhaïl Khodorkovski, doit tenir ce dimanche à Berlin une première prestation publique très attendue, après sa libération surprise vendredi du camp de Russie où il était détenu depuis dix ans.

Après avoir retrouvé samedi son fils aîné Pavel, 28 ans, puis ses parents Marina et Boris, dans la capitale allemande où il a été transféré en secret à sa sortie de prison, l'ex-première fortune de Russie doit donner une conférence de presse en début d'après-midi (7h00 heure de Montréal).

Il a choisi pour cela un lieu hautement symbolique, un musée consacré au Mur de Berlin, près de Check Point Charlie, mythique point de passage entre l'ouest et l'est de la ville à l'époque du rideau de fer.

Son avenir est désormais au coeur de toutes les spéculations. Samedi la presse allemande le voyait s'installant à Londres, en Suisse ou en Israël.

La députée écologiste allemande Marieluise Beck, une amie de longue date qui a pu s'entretenir plus d'une heure avec lui samedi après-midi, s'est bornée à dire qu'un retour en Russie n'était «pas à l'ordre du jour».

Mais Mme Beck a immédiatement ajouté que l'ancien magnat du pétrole «décidera du bon moment, le plus approprié, pour parler de son avenir».

L'ancien magnat du pétrole avait été gracié par le Président Poutine, qui semble vouloir redresser son image auprès de l'occident, à quelques semaines de Jeux olympiques d'hiver de Sotchi.

Cela ne signifie toutefois pas que Khodorkovski a désormais carte blanche. Un court extrait d'une interview accordée à l'hebdomadaire moscovite d'opposition New Times samedi, posté sur son site web, a été rapidement rendu inaccessible par ce qui semble être une attaque informatique délibérée.

Il n'y parlait pourtant que des très rares occasions qu'il avait eu de voir sa femme, Inna, au cours de ses dix années de captivité.

Dans cet extrait vidéo, manifestement tourné dans sa chambre du palace berlinois où il loge, situé à quelques mètres de la Porte de Brandebourg, Khodorkovski, désormais âgé de 50 ans, apparaissait les cheveux coupés très ras et plutôt amaigri.

Il avait été condamné en 2005 et 2010 lors de deux procès sur des accusations de fraude fiscale et d'escroquerie.

Mais ses partisans et de nombreux observateurs occidentaux ont jugé ces procédures inéquitables et estimé qu'elles étaient motivées par des arrières-pensées politiques.

Enfant-chéri du régime moscovite après la chute du rideau de fer, Khodorkovski avait commencé à dénoncer la corruption des élites politiques et à soutenir financièrement les partis d'opposition à Vladimir Poutine.

Il devrait largement sa liberté retrouvée à la médiation discrète de l'ancien ministre allemand des Affaires étrangères, Hans-Dietrich Genscher, 86 ans, qui a également organisé son transfert immédiat dans un jet privé vers l'Allemagne.

Khodorkovski avait sollicité une grâce présidentielle pour pouvoir revoir sa mère, âgée de 79 ans, et atteinte d'un cancer, dont l'état de santé s'était dégradé. Cette dernière avait d'ailleurs été soignée il y a peu à Berlin.

Le porte-parole de Vladimir Poutine, Dmitri Peskov, a refusé de dire si la libération de Khodorkovski avait été accompagnée de conditions sur une éventuelle activité politique à l'avenir.

Il s'était contenté de dire à l'AFP qu'il était «libre de revenir en Russie. Absolument».

Selon l'analyste allemand spécialiste de la Russie Alexander Rahr, qui a servi de «traducteur» à M. Genscher, M. Khodorkovski ne fera pas de politique, mais pourrait suivre la voie du dissident soviétique Alexandre Soljenitsyne, et devenir une sorte de conscience morale et politique du pays.

Outre la libération de son ancien meilleur ennemi, M. Poutine a également fait voter par les députés russes une loi d'amnistie qui pourrait aboutir à la remise en liberté de deux membres du groupe punk Pussy Riot, condamnée pour une manifestation anti-Poutine dans une cathédrale russe en 2011.

De même que les militants de Greenpeace, membres de l'équipage du navire Arctic Sunrise de Greenpeace, arrêtés en septembre après une action contre une plateforme pétrolière dans l'Arctique russe et inculpés d'abord de «piraterie», puis de «hooliganisme».