Onze ans après avoir légalisé l'euthanasie pour les adultes, la Belgique s'apprête à l'étendre aux mineurs atteints d'une maladie incurable, une question éthique très sensible débattue depuis des mois dans un climat serein.

La voie est désormais ouverte pour l'adoption par les parlementaires de la loi étendant le champ légal de l'euthanasie, après le vote favorable mercredi de la commission de Justice et des Affaires sociales du Sénat.

Le texte a été approuvé par une majorité des partis de la majorité et de l'opposition, à l'exception des centristes démocrates-chrétiens et de l'extrême droite.

La Belgique suit ainsi l'exemple des Pays-Bas, le pays européen le plus en pointe, où l'euthanasie des mineurs est autorisée pour les enfants de plus de 12 ans dans des circonstances spécifiques.

Il s'agit de répondre au «drame» vécu par les enfants présentant «des souffrances qu'on ne peut soulager», a expliqué le sénateur socialiste Philippe Mahoux, son initiateur. «C'est la non-réponse qui, selon de nombreux pédiatres, n'est pas tolérable».

Si elle était votée, la loi aurait une portée limitée puisqu'elle ne devrait concerner qu'une dizaine de cas de mineurs par an dans le royaume.

Cette estimation découle de témoignages de médecins et d'infirmières, qui affirment que des substances létales sont déjà administrées, en toute illégalité, à des mineurs dont la souffrance est insupportable.

Dans une lettre ouverte récemment publiée, seize pédiatres appellent à faire confiance aux enfants. «L'expérience nous apprend qu'en cas de maladie grave et de décès imminent, les mineurs développent très rapidement une très grande maturité, à tel point qu'ils sont parfois plus à même de réfléchir et de s'exprimer sur la vie que des personnes majeures en bonne santé», selon eux.

«Risque de banalisation»

Pour qu'il puisse demander à mourir, le mineur doit être «capable de discernement, atteint d'une maladie incurable et d'une souffrance physique inapaisable», précise le texte. L'accord des parents est en outre indispensable.

Mais, pour certains opposants, ces conditions ne peuvent contribuer à apaiser la fin de sa vie. «Faut-il venir lui imposer cela au moment où il est sur le point de mourir? C'est un poids psychologique, humain et familial considérable alors qu'il devrait bénéficier de sérénité», s'interroge le sénateur CDH Francis Delpérée.

«Proposer que des mineurs puissent décider de leur propre euthanasie est une manière de fausser leur faculté de jugement et dès lors leur liberté», renchérissent les responsables des principales religions (catholique, protestante, orthodoxe, musulmane et juive) dans un appel commun.

Les chefs religieux y expriment leur «vive inquiétude face au risque de banalisation» de l'euthanasie en Belgique, où 1432 cas ont été officiellement enregistrés en 2012, représentant 2 % des décès.

Cet avertissement fait notamment suite au décès, très médiatisé, de Nathan Verhelst, un Flamand de 44 ans ayant obtenu le droit de mourir le 1er octobre après l'échec d'une opération de changement de sexe. Son médecin a estimé que ses souffrances psychiques étaient devenues «insupportables» même si sa vie n'était en aucun cas menacée.

Cette évolution est suivie avec intérêt en France, où une réflexion sur la fin de la vie a été confiée au Comité consultatif national d'éthique. Dans un rapport publié en juillet, il notait que «la volonté d'élargir le champ d'application de la loi sur l'euthanasie montre que son principe est désormais bien ancré et admis par une majorité de Belges».

Le quotidien Le Soir s'est félicité mercredi de la bonne tenue du débat sur les questions éthiques qui «échappent en Belgique à l'affrontement» partisan. «C'est là toute la sagesse de notre démocratie, différant en cela de l'affrontement meurtrier sur ces thèmes de la société française».