Elles portent des noms évocateurs comme Pause Clopes, Clopinette, Bouffée d'air ou encore Digital Smoker.

Elles vendent des tubes en plastique permettant d'aspirer des vapeurs aromatisées, dans des saveurs aussi variées que celles de la réglisse, des litchis, de la «bubble gum», des boissons énergisantes, ou encore, dans un style plus classique, celle du tabac Davidoff.

Et elles se répandent à une vitesse phénoménale.

Il y a un an, la France comptait une centaine de boutiques de cigarettes électroniques. Aujourd'hui, elles sont 400. Ce nouveau commerce engendre 150 millions de chiffre d'affaires et alimente 2000 emplois.

Le soir, dans les rues, l'embout des cigarettes sans tabac s'illumine de rouge pendant que des volutes de fumée blanche s'élèvent au-dessus des fumeurs.

En 2012, la France en comptait 500 000. Aujourd'hui, ils sont plus de 1 million. Le phénomène est devenu si populaire qu'il a engendré le néologisme «vapoter» - aspirer la vapeur des cigarettes électroniques - , qui devrait faire son entrée officielle dans les dictionnaires l'an prochain.

Mais la cigarette électronique traîne aussi dans son sillage sa part de controverses. Faut-il la considérer comme un médicament de sevrage? Faut-il au contraire la soumettre aux règles qui régissent le commerce de tabac? Et puis, ce dispositif qui permet de chauffer du propylène-glycol, additionné de nicotine et de saveurs artificielles, pour le transformer en vapeur, est-il si inoffensif que ça?

Le sujet divise les experts. «La nicotine est la drogue la plus puissante qui existe sur le marché», fait valoir Yves Martinet, président du Comité national contre le tabagisme, qui veut restreindre la vente de cigarettes électroniques aux pharmacies.

Le président de l'Office français de prévention du tabagisme, Bertrand Dautzenberg, convient que la nicotine qu'absorbent la majorité des «vapoteurs» est un produit toxique. «Mais elle est infiniment moins toxique que le tabac.»

La France peine à réduire le nombre de fumeurs traditionnels. Plus de 30% des adultes fument la cigarette. Or, selon le Dr Dautzenberg, le nombre de fumeurs a fléchi récemment, au profit des «vapoteurs».

Son organisme plaide pour un meilleur encadrement du marché des cigarettes électroniques, de façon à ce qu'elles favorisent la «sortie» plutôt que «l'entrée» vers l'usage de la nicotine. Mais il plaide pour le maintien de la vente libre.

Il y a deux semaines, le débat a atterri devant le Parlement européen. Qui a, lui aussi, tranché en faveur de la vente libre.

La guerre à la vapeur

Mais il n'y a pas que la santé. Il y a aussi l'argent.

De puissants intérêts s'agitent pour le contrôle de ce marché en pleine croissance. Dont celui de l'industrie du tabac.

Des analystes prédisent qu'elle pourrait contrôler le marché des cigarettes électroniques dans une proportion de 75% d'ici deux ans.

En attendant, les boutiques de cigarettes électroniques qui pullulent dans le paysage parisien sont généralement tenues par de petits commerçants.

Comme l'ex-militaire Julien Flambard, qui donne un coup de main au propriétaire de la boutique CigaElectro, établie dans le 11e arrondissement de Paris depuis six mois.

Ses cigarettes les moins chères se détaillent une cinquantaine de dollars l'unité.

Quant aux fioles de recharge, elles valent 8$. Leur concentration en nicotine va de 0 à 19,6 milligrammes. Le commerçant estime qu'une fiole équivaut à cinq paquets de cigarettes. Faites le calcul.

«Les gens viennent ici pour arrêter de fumer, d'autres parce que la cigarette électronique est moins chère», constate Julien Flambard.

Une cliente, Astrid Malière, 22 ans, vient justement d'acheter une bouteille de liquide au parfum de pistache, son favori.

Elle a fumé la cigarette pendant cinq ans. Depuis qu'elle est passée à la cigarette électronique, elle a moins envie de fumer. «L'odeur de tabac me dérange, maintenant», se réjouit-elle.

Mais les vendeurs de tabac, eux, crient à l'injustice. La «cigarette à vapeur» n'est pas taxée aussi lourdement que la cigarette traditionnelle. Elle a le droit de faire sa promotion et de se présenter dans des saveurs séduisantes.

Outré par cette différence de traitement, un buraliste de Haute-Garonne a intenté une poursuite, lundi, contre un concurrent «électronique» pour concurrence illicite et déloyale. À la guerre comme à la guerre.

La cigarette réinventée

C'est le médecin chinois Hon Lin qui a créé la première cigarette électronique, il y a 10 ans. La cigarette électronique contient une pile qui permet de chauffer une solution de propylène-glycol, additionnée ou non de nicotine, jusqu'à ce qu'elle se transforme en vapeur, qui ne contient aucun goudron et n'a pas l'odeur du tabac.