En dominant largement dimanche un scrutin local en France, le Front national (extrême droite) signe une nouvelle victoire emblématique de sa progression dans le pays, mettant à mal le pouvoir socialiste et son principal opposant à droite, l'UMP.

«Il y a incontestablement, n'en déplaise à certains, une poussée, assez spectaculaire d'ailleurs, du FN qui est enregistrée élection après élection», a fait valoir lundi la présidente du Front national, Marine Le Pen.

L'extrême droite a atteint 49,5 % des voix dimanche au premier tour d'une élection cantonale partielle à Brignoles (sud): le candidat du Front national, Laurent Lopez, a obtenu 40,4 % des voix et celui du Parti de la France, Jean-Paul Dispard, 9,1 %.

«Pour la gauche, c'est un coup de semonce très clair», a reconnu le porte-parole du parti socialiste (PS), David Assouline, en appelant à voter pour le candidat de l'UMP au deuxième tour.

Seul lot de consolation pour les deux grands partis traditionnels, Jean-Paul Dispard, dissident du FN, a appelé à voter dimanche pour la candidate de l'Union pour un mouvement populaire (UMP), Catherine Delzers, arrivée en deuxième position avec 20,8 % des voix.

Les écologistes, alliés des socialistes au pouvoir, ont néanmoins qualifié la situation de «très inquiétante». «L'électorat socialiste se réfugie dans l'abstention, il n'y avait d'ailleurs même pas de candidat socialiste», a déploré le sénateur Jean-Vincent Placé (Europe Écologie-les Verts).

Le candidat communiste, Laurent Carratala, soutenu par les socialistes, n'a eu que 14,6 % des voix.

Marqué par une forte abstention de 66,65 %, ce scrutin a mis au rouge les voyants de l'UMP et du PS à 150 jours d'élections municipales, qui précéderont des élections européennes prévues en mai.

Les sondages prédisent lors de ces deux scrutins une nouvelle poussée du Front national qui, dans son discours, surfe sur l'insécurité, la crise économique et le chômage, toujours très élevé en France.

«Effondrement électoral de la gauche»

Même s'il s'agit d'une élection locale, le résultat de Brignoles n'est pas sans rappeler le premier tour de la présidentielle de 2002, lorsque le candidat socialiste Lionel Jospin avait été éliminé de la course par le leader du FN de l'époque, Jean-Marie Le Pen, père de l'actuelle chef du parti d'extrême droite.

Depuis son entrée en fonctions en 2011, Marine Le Pen a entrepris de dédiaboliser son parti et choisi une stratégie d'implantation locale. Elle s'est hissée la semaine dernière au troisième rang des personnalités que les Français souhaitent «voir jouer un rôle important» dans les mois à venir, une place jamais atteinte jusqu'alors.

Dans le même temps, le président socialiste François Hollande continue de battre des records d'impopularité. Sa cote poursuit sa baisse avec 74 % de sondés, contre 70 % en septembre, qui ne lui font pas confiance, selon un récent sondage de l'institut TNS Sofres.

«Le Front National a une capacité de mobilisation indemne», résume le co-président du Parti de Gauche Jean-Luc Mélenchon, en rupture de ban avec le PS. «Tout le reste s'effondre», note-t-il.

Face à la montée du FN, l'UMP se déchire sur la posture à adopter. Le patron du parti, Jean-François Copé, a jugé lundi que l'élection de Brignoles «confirmait l'effondrement électoral de la gauche».

Récemment, l'ex-premier ministre UMP François Fillon a provoqué un tollé en renvoyant dos à dos le Parti socialiste au pouvoir et le Front national, conseillant en cas de duel de voter pour «le moins sectaire» des deux.

Il a ainsi foulé aux pieds la ligne officielle de son parti, consistant à refuser toute consigne de vote en cas de duel PS-FN («ni-ni») ainsi que celle, plus ancienne, du «front républicain» (choix du candidat non-FN). C'est cette stratégie du «cordon sanitaire» autour du FN qui avait permis l'élection triomphale de Jacques Chirac en 2002 face à Jean-Marie Le Pen.

Selon un sondage BVA, 70 % des sympathisants de droite approuvent ce revirement d'un homme politique qui avait jusqu'alors une image de modéré, semblant illustrer là aussi un glissement progressif de la société française vers un vote protestataire.