Le chef du gouvernement italien Enrico Letta est sorti renforcé du vote de confiance de mercredi, mais avec une majorité à géométrie variable qui dépendra de l'ampleur des divisions au sein du parti de Silvio Berlusconi.

L'exécutif unissant depuis avril de façon inédite la gauche et la droite a obtenu une large majorité aussi bien au Sénat (235 voix pour, 70 contre) qu'à la Chambre des députés (435 voix pour, 162 contre).

Mais cette majorité -dont l'ampleur s'explique aussi par une volte-face de dernière minute de Silvio Berlusconi- ne correspond pas à la nouvelle «majorité politique» du gouvernement, a reconnu lui-même M. Letta.

Raison pour laquelle toute la presse italienne attend avec anxiété l'évolution de la situation interne au parti Peuple de la liberté (PDL) de M. Berlusconi. Le numéro deux du PDL, Angelino Alfano, un avocat sicilien de 42 ans, qui a défié son mentor pendant la crise politique des derniers jours, l'a rencontré dans la matinée.

Outre la «capitulation» de M. Berlusconi face à la fronde de ceux qui refusaient de faire tomber le gouvernement Letta, les gros titres des manchettes insistaient aussi sur «la victoire de la ligne Alfano».

La Stampa publie en Une une photo d'un Enrico Letta l'air sûr de lui qui échange une poignée de main avec un Alfano tout sourire sous le titre: «le pacte des quadras qui ont saisi l'occasion».

Pour l'un de ses éditorialistes, Mattia Feltri, le rapport d'amitié personnel qui lie Alfano à Letta (tous deux venus de la Démocratie chrétienne) a été décisif comme l'a été le fait que le Cavaliere soit «arrivé à la dernière lutte, épuisé par des années de bataille, désarmé, proche de la mise en détention et peu lucide».

Selon le sénateur Carlo Giovanardi, le camp des «colombes» pro-gouvernement Letta s'étend. Et le divorce entre les deux ailes du PDL -- une frange de modérés qui resterait étiquetée PDL et une frange plus extrémiste et populiste qui convergerait dans le parti Forza Italia refondé par Berlusconi -- est désormais consommé.

La ministre de la Santé Beatrice Lorenzin, qui appartient au camp des «colombes», a confirmé un «affrontement entre deux classes dirigeantes qui deviennent de plus en plus incompatibles».

Les «faucons» n'ont d'ailleurs pas désarmé: Daniela Santanchè, surnommée la «pythonesse», a dit au journal Repubblica avoir dû «avaler la pilule» du vote de confiance, mais, a-t-elle averti, «perdre une bataille ne signifie pas perdre la guerre».

Pour Ezio Mauro directeur de Repubblica, on a assisté à une «rébellion des enfants contre le +père+ pour la première fois en 20 ans».

Mais maintenant les frondeurs sont à un carrefour: ils doivent décider «de l'avenir de la droite» et «choisir entre affronter les institutions avec une droite radicale ou bâtir un centre droit européen», a-t-il dit à l'antenne de Sky TG24.

Pour James Waltson, professeur à l'université américaine de Rome, «dans quelques semaines ou mois le parti de Berlusconi va se briser en plusieurs morceaux même si le Cavaliere essaiera momentanément de les recoller» et «Alfano va tenter de devenir le chef de l'aile modernisatrice du PDL».

L'agence de notation internationale Moody's a salué l'issue positive du vote de confiance mais a jugé que l'exécutif demeure «fragile», ce qui peut «retarder les réformes budgétaires et structurelles» et faire «courir un risque à la reprise économique du pays».

«Sur le papier, Letta est plus fort aujourd'hui qu'hier. Et pour l'Italie, la stabilité politique est fondamentale», a commenté le PDG du groupe bancaire Unicredit Federico Ghizzoni, devant la presse étrangère mais «il faudra voir si cela suffira».

M. Letta s'est fixé un calendrier ambitieux à mener d'ici à 2015: réformes du système électoral et changement de la Constitution pour réduire le nombre de parlementaires, sortir du «cauchemar» de la récession et une présidence dynamique et efficace de l'Union européenne pendant le deuxième semestre 2014.