Énième crise politique en Italie, les ministres membres du parti de Silvio Berlusoni ont démissionné samedi, une décision inspirée par leur mentor et qualifiée par le premier ministre de «geste fou et irresponsable».

Obéissant à la consigne du Cavaliere, les cinq ministres du Peuple de la Liberté (PDL, centre droit) ont fait savoir qu'ils jugeaient «inacceptable» et «irrecevable» «l'ultimatum» du président du Conseil Enrico Letta.

Ce dernier, excédé par la fronde constante des amis du Cavaliere, avait annoncé la veille qu'il demanderait la confiance du parlement, afin de «clarifier» le soutien du centre droit à son gouvernement.

Samedi, ce démocrate de gauche qui dirige depuis cinq mois une improbable coalition droite-gauche, a qualifié la décision de ces ministres de «geste fou et irresponsable, entièrement destiné à protéger les intérêts personnels» de Silvio Berlusconi.

Depuis des semaines, les amis de ce dernier font monter la pression afin de tenter d'éviter la destitution, très probable, du Cavaliere de son poste de sénateur, après sa condamnation définitive le 1er août à quatre ans de prison (ramenés à un seul en raison d'une amnistie) pour fraude fiscale.

Jeudi, les parlementaires du Peuple de la liberté (PDL) ont menacé de démissionner en bloc pour protester contre le vote attendu, vendredi prochain, d'une commission du Sénat sur cette question.

C'est dans ce climat délétère que le conseil des ministres avait été convoqué vendredi pour retarder une augmentation de la TVA italienne prévue au 1er octobre.

Mais aucune décision n'a été prise en raison de la tension politique: l'augmentation de l'IVA, de 21% à 22%, sera donc appliquée dès mardi. Cette hausse est redoutée par les milieux économiques, car elle risque de peser sur la consommation dans un pays déjà en pleine récession.

Samedi, le Cavaliere a invité les ministres de son parti à «ne pas se rendre complices d'une nouvelle vexation imposée par la gauche aux Italiens».

«La décision adoptée hier par le président du Conseil de geler l'action du gouvernement, entraînant de cette façon l'augmentation de l'IVA, est une grave violation du pacte de gouvernement», a argumenté M. Berlusconi.

Dans un communiqué de dix lignes cinglant, M. Letta a riposté que «les Italiens sauront renvoyer à l'expéditeur un mensonge tellement énorme et une telle tentative de déformer la réalité».

«La responsabilité de l'augmentation de l'IVA est au contraire celle de Berlusconi et sa décision de faire se démettre ses parlementaires, un fait sans précédent, qui prive le parlement et la majorité de la certitude nécessaire» pour donner aux mesures force de loi, fustige-t-il.

«Chacun au parlement assumera sa propre responsabilité devant le pays», a-t-il prévenu.

Dans la soirée, l'ancien président du Conseil Mario Monti --dont le mouvement appartient à la majorité--  a assuré M. Letta qu'il l'aiderait à trouver des «solutions crédibles».

Beppe Grillo, l'ancien comique qui dirige le mouvement anti-partis «Cinq étoiles», a pour sa part souhaité de nouvelles élections, et réclamé la démission du président Giorgio Napolitano, qui a donné mandat à M. Letta pour un gouvernement alliant la gauche au milliardaire qui conditionne la vie politique italienne depuis près de vingt ans.

Les jeux politiques sont ouverts et incertains: M. Letta pourrait tenter de former un deuxième gouvernement, en comptant sur des défections diverses et des soutiens dans les formations à gauche de l'échiquier politique. Mais sa majorité risque d'être fort réduite.

Les marchés pourraient réagir négativement à l'évolution de la troisième économie de la zone euro, qui peine à sortir de la crise. Le Fonds monétaire international (FMI) avait estimé vendredi que l'instabilité politique en Italie constitue «un grand risque» pour sa croissance.

L'hypothèse de nouvelles élections est improbable, car un nouveau scrutin risque d'aboutir à une impasse aussi grande, faute d'une modification de la loi électorale.

Le rôle de M. Napolitano, comme arbitre de la crise, sera essentiel dans les prochains jours. «Nous n'avons pas besoin de campagnes électorales en jet continu, nous avons besoin d'un parlement qui discute et travaille», avait-il déclaré samedi avant l'annonce de la démission des ministres.