Le président russe, Vladimir Poutine, s'en est pris mercredi aux méthodes de Greenpeace, justifiant l'arraisonnement musclé de son navire Arctic Sunrise et le placement en détention de l'équipage après une action contre une plateforme pétrolière de Gazprom.

«Ces gens ont enfreint le droit international», a déclaré M. Poutine au cours d'un forum sur l'Arctique à Salekhard (Grand Nord).

«Il est absolument clair que ce ne sont pas des pirates, mais de facto ils ont tenté de s'emparer de la plateforme», a-t-il ajouté.

Les membres de l'équipage de l'Arctic Sunrise, quatre Russes et 26 d'autres nationalités, ont été placés dans des centres de détention provisoire de Mourmansk (nord-ouest) et de la région, après avoir été amenés à terre pour interrogatoire.

Le navire qui bat pavillon néerlandais avait été pris d'assaut manu militari jeudi dernier par un commando héliporté des garde-frontières russes, puis remorqué jusqu'à la rade de Mourmansk et mis au mouillage.

Le Comité d'enquête russe a indiqué mardi avoir ouvert à leur encontre une enquête pour «piraterie en groupe organisé», ce qui les rend passibles de 15 ans de détention.

L'accusation de piraterie pourrait être requalifiée

Les déclarations de M. Poutine semblent affranchir les militants de l'ONG de cette accusation, et le porte-parole du Comité d'enquête, Vladimir Markine, a indiqué que l'enquête pourrait être requalifiée.

À Salekhard, le président russe a cependant apporté son soutien à l'intervention des gardes-côtes russes, qui dépendent du FSB (service fédéral de sécurité), et s'en est pris aux méthodes de Greenpeace.

«Nos forces de l'ordre, nos garde-côtes ne savaient pas qui tentait de s'emparer de la plateforme sous couvert de l'organisation Greenpeace», a déclaré M. Poutine.

«Ce serait bien mieux si les représentants de Greenpeace se trouvaient dans cette salle et exprimaient leur position (...). C'est pour parler de ces problèmes que nous nous retrouvons dans ce genre de réunion», a ajouté le président russe.

Réagissant à ces déclarations, Kumi Naidoo, directeur de Greenpeace International, s'est félicité du fait que Vladimir Poutine ait reconnu que les militants n'étaient pas des «pirates», mais a estimé qu'il n'était pas possible que les gardes-côtes n'aient pas su que l'opération était réalisée par Greenpeace.

«Ils nous ont suivis pendant près de 24 heures avant le début de la protestation. Nous avons une longue histoire de militantisme pacifique en Russie et sommes bien connus des autorités», a-t-il souligné dans un communiqué.

Pas question d'arrêter l'exploitation pétrolière

Le président russe a par ailleurs souligné qu'il était exclu de renoncer à l'exploitation des ressources pétrolières, dont Greenpeace dénonce les risques dans l'Arctique.

«Ce n'est pas possible d'arrêter. Mais est-ce bien la question ? La question, c'est comment le faire avec le moindre mal pour la nature, et réduire ce préjudice au minimum», a déclaré M. Poutine.

L'Arctic Sunrise avait été dépêché dans l'Arctique russe pour protester contre des projets d'exploitation pétrolière des géants énergétiques russes Gazprom et Rosneft.

Le 18 septembre, s'approchant dans des canots pneumatiques de la plateforme de Gazprom en mer de Barents, des militants de l'ONG avaient tenté d'en escalader la coque après avoir lancé un filin.

Selon des images diffusées à la télévision russe, ils ont été repoussés par l'équipage de la plateforme avec un jet d'eau, et interceptés par des commandos armés de garde-côtes.

Les enquêteurs ont accusé les militants de Greenpeace d'avoir mis en danger les personnes travaillant sur la plateforme, mais aussi l'environnement.

Greenpeace a dénoncé des moyens disproportionnés, les garde-frontières ayant selon l'ONG tiré des coups de semonce à l'arme automatique.

Jeudi, des commandos héliportés et armés de fusils d'assaut ont ensuite pris le contrôle de l'Arctic Sunrise, enfermant l'équipage dans le mess avant le remorquage du navire jusqu'à Mourmansk.

Depuis, des diplomates occidentaux, représentant les pays d'origine de membres de l'équipage, notamment de France, de Pologne et de Finlande, se sont rendus à Mourmansk pour entrer en contact avec leurs concitoyens.

Le Comité d'enquête a souligné que les militants seraient poursuivis «indépendamment de leur nationalité».

Selon Greenpeace, l'équipe de l'Arctic Sunrise est composée de militants issus de 18 pays, dont les États-Unis, la France, la Suisse, la Finlande, la Grande-Bretagne, la Pologne et la Russie.