À trois jours des législatives en Allemagne, les sociaux-démocrates ont mobilisé jeudi leurs troupes à Berlin contre la chancelière Angela Merkel, avec laquelle il semble de plus en plus probable qu'ils gouvernent.

«Dans trois jours, vous pouvez être débarrassés de ce gouvernement. Allez voter s'il vous plaît. Merkel ne donne pas de direction à ce pays, elle tourne en rond», a lancé le candidat à la chancellerie du Parti social-démocrate (SPD), Peer Steinbrück, sous les applaudissements de plusieurs milliers de sympathisants, au cours d'une dernière grande réunion dans la capitale allemande.

Toujours distancé d'environ 10 points par les conservateurs dans les sondages, le SPD, principal parti d'opposition, tentait de battre le rappel des indécis avec ce grand rassemblement sur l'Alexanderplatz, haut lieu des manifestations populaires d'avant-guerre comme sous la RDA communiste.

«J'espère qu'ils atteindront 25%, un résultat meilleur qu'en 2009», confiait à l'AFP Luise Kirsch, 65 ans, venue de Kronach voir des amis à Berlin, et en profiter pour aller écouter M. Steinbrück, malgré le ciel couvert et une température plutôt fraîche.

Elle avouait être déçue par la campagne du candidat SPD, qui «a fait pas mal de gaffes».

En dépit de son déficit de popularité face à Merkel - environ 20 points selon les sondages -, M. Steinbrück, cravate rouge au vent, assure ne pas douter de ses chances.

«Donnez votre voix aux députés SDP, pour qu'ils puissent ensuite m'élire chancelier», lance-t-il à la foule, qui agite des drapeaux rouges.

«Je garde l'espoir d'une coalition entre le SPD et les Verts, mais la variante la plus probable est une coalition avec les conservateurs» de Mme Merkel, reconnaît, désabusée, la Berlinoise Hanna Goelz, 39 ans, membre du SPD, un verre de bière à la main.

Pendant ces trois derniers jours, le parti va poursuivre sa campagne de proximité, avec des centaines de milliers de visites à domicile - qui devraient passer dimanche la barre des cinq millions au total depuis le début de la campagne -, davantage de publicité et des réunions à travers tout le pays.

Aux dernières législatives en 2009, un tiers des électeurs, selon leur propre aveu, se sont décidés les derniers jours précédant le scrutin.

Les sociaux-démocrates, qui ont réalisé en 2009 le pire score de toute leur histoire avec seulement 23% des suffrages, avaient particulièrement pâti de l'abstentionnisme.

Selon deux sondages publiés jeudi, ils devraient recueillir entre 27 et 28% des votes dimanche, 10 à 13 points de moins que les conservateurs de Mme Merkel - l'Union chrétienne-démocrate (CDU) et sa branche bavaroise l'Union chrétienne-sociale (CSU) -, crédités de 38 à 40%.

Mais, ces deux enquêtes placent le petit partenaire libéral de Mme Merkel (FDP) juste au-dessus du seuil nécessaire pour disposer de députés au Bundestag, chambre basse du Parlement, entre 5,5 et 6%.

Un tel score étayerait l'hypothèse de plus en plus souvent évoquée dans les journaux allemands d'une alliance entre sociaux-démocrates et chrétiens-démocrates, comme ce fut le cas entre 2005 et 2009, période pendant laquelle M. Steinbrück officia sous Merkel en tant que ministre des Finances.

Officiellement, les deux grands partis allemands sont contre cette éventualité. «La dernière fois que nous avons fait une coalition avec Merkel, cela n'a pas été bon pour le SPD», constate Ingo Ganfweith, 43 ans, membre du SPD, venu sur l'Alexanderplatz avec Theo, un an et demi, ballon rouge à la main.

«Si nous étions au gouvernement, au moins nous aurions plus de chance de voir notre programme réalisé. Ces quatre dernières années, toutes nos propositions ont atterri à la poubelle», estime de son côté la militante SPD Hanna Goelz, son drapeau rouge derrière le dos.

La chancelière elle-même a plaidé dans une interview à la radio jeudi soir en faveur de la reconduction de sa coalition. «La grande coalition a fait du bon travail pendant la crise financière», a reconnu Mme Merkel. «Mais une coalition (conservateurs-libéraux) peut gouverner avec plus de succès».

Nombre d'Allemands sont favorables à une grande coalition. «Ils ont une appréhension consensuelle de la démocratie», analyse Oskar Niedermayer, politologue de l'Université Libre de Berlin (FU). «En général, ils pensent qu'en cas de crise (comme celle de l'euro), les deux grands partis doivent résoudre les problèmes ensemble.»