L'opposant russe Alexeï Navalny, conforté en leader de la contestation par son bon pointage à l'élection municipale à Moscou, a contesté lundi la victoire du maire sortant pro-Kremlin et rassemblé plusieurs milliers de partisans dans la capitale.

Plus de 9000 personnes selon la police ont afflué lundi soir sur la place Bolotnaïa, dans le centre de la capitale russe, pour soutenir l'opposant et contester les résultats du scrutin.

«Je suis convaincu qu'on nous a volé des voix, un deuxième tour est indispensable», a déclaré à l'AFP un des manifestants, Dmitri Iagoudkine, 42 ans.

«Je veux qu'on recompte les voix là où il y a eu des falsifications. Je veux des élections honnêtes», a pour sa part déclaré Tatiana Jimjina, une juriste de 43 ans.

Les résultats annoncés lundi matin donnent 51,3 % au maire sortant Sergueï Sobianine, soutenu par le Kremlin, et 27,2 % à Alexeï Navalny, malgré une très faible participation de 32 %. Ayant obtenu la majorité absolue, M. Sobianine, est élu dès le premier tour.

«Nous ne reconnaissons pas les résultats annoncés. Ils sont faux», a écrit l'opposant de 37 ans lundi, dans un message publié sur son blogue.

Il a exigé un second tour de scrutin, dénonçant des «falsifications» portant sur les plus de 100 000 votes enregistrés à domicile pour des personnes ne pouvant se déplacer.

«Nous exigeons que les votes fassent l'objet d'un nouveau décompte, car nous sommes persuadés que cela nous amènera à un second tour de scrutin», a martelé l'opposant, menaçant d'appeler à des manifestations.

Il a aussi pris au mot M. Sobianine, qui s'était dit prêt à le rencontrer.

«Nous sommes prêts à engager de telles négociations dans les plus brefs délais», a écrit l'opposant, dont le pointage est considéré comme un succès par la plupart des experts et des médias.

Interrogé par l'AFP, Dmitri Orechkine, un politologue qui a participé à la coordination d'observateurs indépendants, a estimé que des fraudes étaient plausibles.

«Sobianine a obtenu aux alentours de 50 % et un point de pourcentage de plus ou de moins avait pour lui une importance vitale. Pour l'obtenir, il y a pu y avoir des fraudes lors du vote à domicile, dans les casernes et dans certains bureaux de vote».

La commission électorale a déclaré qu'il n'y avait pas eu de plaintes pour violation de la loi électorale à Moscou.

Un responsable de l'ONG de contrôle électoral Golos, Grigori Melkoniants, a confirmé qu'il n'y avait pas eu de fraudes à «grande échelle», mais a souligné que la marge obtenue par M. Sobianine pour éviter un second tour correspondait à seulement 32 000 suffrages.

Condamné en juillet à cinq ans de détention pour des accusations de malversations qu'il dit fabriquées de toutes pièces, Alexeï Navalny avait été emprisonné puis libéré contre toute attente par la justice jusqu'à l'examen en appel.

Nombre d'observateurs ont estimé que cette décision, qui lui a permis de participer à l'élection, n'avait pas pu être prise sans l'aval du Kremlin, désireux de rendre une légitimité au scrutin après les grandes protestations de l'hiver 2011-2012.

Maria Lipman, de l'antenne russe du Centre Carnegie, relève que le pointage d'Alexeï Navalny l'a de facto fait passer «du statut de militant à celui d'homme politique».

Ce pointage pourrait aussi influer sur l'examen en appel de sa condamnation.

«On ne peut plus mettre en prison un tel homme politique», a estimé le politologue Igor Bounine dans le quotidien Vedomosti.

«Change la Russie, commence par Moscou», disait le slogan d'Alexeï Navalny dans la campagne, et la plupart de ses électeurs rencontrés dans des bureaux de vote dimanche disaient avoir voulu envoyer un message à Vladimir Poutine.

Avocat, blogueur et pourfendeur de la corruption aux accents nationalistes, Alexeï Navalny avait pris la tête du mouvement de protestation à l'hiver 2011-2012.

Sa participation à l'élection à Moscou, même s'il n'a pas eu accès aux grands médias et a dû mener campagne dans la rue et sur l'internet, a changé la donne dans un paysage politique aseptisé et où l'opposition est marginalisée depuis dix ans.

Sergueï Sobianine, 55 ans, un gestionnaire efficace mais sans charisme, nommé par décret en 2010, avait convoqué une élection anticipée pour asseoir sa légitimité dans la mégalopole de 12 millions d'habitants.

D'autres élections locales avaient lieu un peu partout en Russie, comme celle d'Ekaterinbourg, important centre industriel de plus d'un million d'habitants dans l'Oural, où le candidat d'opposition Evgueni Roïzman, soutenu par le milliardaire Mikhaïl Prokhorov, l'a emporté contre le candidat soutenu par le pouvoir.

Photo: Reuters

Sergueï Sobianine lors d'un rallye de victoire dimanche soir à Moscou.