L'opposant russe Alexeï Navalny a appelé vendredi les Moscovites à briser la domination de Vladimir Poutine en votant pour lui aux municipales de dimanche où il défie le maire sortant Sergueï Sobianine soutenu par le Kremlin.

«Il y a des centaines de milliers voire des millions de personnes qui partagent nos convictions (...) Ces gens doivent se rendre aux urnes et mettre de nouvelles limites au pouvoir», a déclaré M. Navalny dans une interview au journal en ligne Gazeta.ru vendredi, avant la tenue de son dernier rassemblement de campagne.

«Actuellement, il n'y a que Poutine dans l'espace politique russe», a-t-il souligné.

Il a estimé que son résultat aux municipales enverrait un clair signal au pouvoir et déterminerait «si on peut mettre les gens en prison et continuer de voler de l'argent».

L'opposant a une nouvelle fois évoqué son intention de briguer la présidentielle de 2018.

M. Navalny, 37 ans, avocat et blogueur anticorruption qui avait pris la tête de la protestation contre le régime russe de 2011-2012, a réuni vendredi soir pour sa dernière réunion de campagne quelque 10 000 de ses partisans à Moscou, selon les organisateurs.

La police de la capitale a pour sa part fait état de 2000 participants à cette réunion sur l'avenue Sakharov, dans le centre de Moscou, où ont déjà eu lieu de nombreuses manifestations de l'opposition.

Un concert de musique rock, auquel ont participé des groupes connus, a ouvert la réunion à 13 h 30 GMT (9 h 30, heure de Montréal), alors qu'il pleuvait à verse sur Moscou.

«Si vous êtes tous ici sous la pluie, cela veut dire que la situation change», s'est félicité M. Navalny, s'adressant à ses partisans, qui l'écoutaient, munis de parapluies et d'imperméables.

«Nous sommes ensemble, et la victoire sera à nous», a-t-il souligné.

L'épouse de M. Navalny, Ioulia, a également pris la parole pour exprimer son soutien à cet opposant charismatique, un cas rarissime pour les réunions de campagne russes.

«Si les autorités croient que notre famille est vulnérable, elles se trompent. Cela fait 15 ans que nous sommes ensemble, nous apprenons à être de bons parents, de bons époux. S'il faut résister aux pressions, nous apprendrons à le faire aussi», a déclaré Ioulia Navalnaïa.

Les partisans de M. Navalny, venus au rassemblement, ont pour leur part fait l'éloge de l'opposant qui est un «homme honnête» selon Irina Tcherkassova, 50 ans, employée du secteur aéronautique.

«Tous les autres candidats sont des gens du système. Et lui, il sait parler de tout son coeur», a déclaré à l'AFP Natalia Pastoukhova, entrepreneuse de 47 ans.

«Je suis venu ici, parce que tous les changements commencent par Moscou. Et autour de Navalny, il y a ceux qui veulent des changements», a souligné Alexeï Bodounov, 33 ans, bénévole participant à la campagne de M. Navalny à Tcheliabinsk, dans l'Oural.

M. Sobianine, un apparatchik favori du scrutin, a tenu de son côté une réunion dans un complexe sportif non loin de là, qui a réuni quelque 27 000 personnes selon la police de Moscou. Les quatre autres candidats ont réuni aussi leurs partisans dans d'autres endroits de la capitale.

Condamné en juillet à cinq ans de détention pour des accusations de malversations qu'il dit fabriquées de toutes pièces, Alexeï Navalny a été emprisonné puis libéré contre toute attente par la justice jusqu'à l'examen en appel, ce qui lui a permis de briguer la mairie de Moscou.

L'opposant, qui a mené une campagne très active dans la rue et sur l'internet, a nettement grimpé dans les sondages avec 18 % des intentions de vote, mais il demeure loin derrière le maire sortant crédité de 58 % des intentions de vote, selon le dernier sondage du centre indépendant Levada.

Alexeï Navalny prédit que la hausse rapide de sa cote de popularité rendra un second tour «inévitable».

«À juger par leurs réactions paniquées, ils (les autorités, NDLR) regrettent de m'avoir laissé participer à cette élection», a-t-il estimé dans l'interview à gazeta.ru.

Il a cité à titre d'exemple les récentes déclarations de Vladimir Poutine qui l'a accusé de ne pas être compétent pour diriger une grande ville ni suffisamment irréprochable pour dénoncer la corruption, ainsi que des publications dans le quotidien pro-Kremlin Izvestia affirmant que l'opposition prépare des troubles après les municipales.

M. Sobianine, un gestionnaire efficace sans charisme, a mené campagne dans un tout autre style, refusant de participer aux débats et disant préférer poursuivre son travail pour la ville.

Il a multiplié les initiatives pour séduire les Moscovites, de la création d'un système de vélos en libre-service à de gigantesques chantiers de rénovation du centre historique, avec la création de zones piétonnières.

Nommé par le Kremlin en 2010 par décret après le limogeage de son prédécesseur Iouri Loujkov, il a convoqué une élection anticipée pour asseoir sa légitimité dans la mégalopole de 12 millions d'habitants.

Selon des analystes, cette élection est très importante pour le Kremlin, la participation de Navalny l'ayant transformée en «un référendum sur Poutine» à Moscou, la capitale qui fut le théâtre principal de la vague de contestation contre le régime à l'hiver 2011-2012.