Le 9 septembre prochain, la Norvège pourrait élire son gouvernement le plus à droite depuis la Seconde Guerre mondiale. Mais la coalition menée par les conservateurs devra peut-être inclure le parti Fremskrittspartiet, ou Parti du progrès, considéré comme à l'extrême droite du spectre politique national. Une organisation qui a cependant perdu beaucoup d'attrait depuis l'attentat terroriste commis en 2011 par l'un de ses anciens membres, Anders Behring Breivik.

Le politologue norvégien Anders Ravik Jupskås s'intéresse de près aux partis de droite dans son pays. Nous l'avons joint à ses bureaux de l'Université d'Oslo.

Q: Les sondages placent la coalition centre droit en avance. Croyez-vous que ça reflètera le résultat des élections?

R: Les sondages ne disent pas tous la même chose, mais ils montrent généralement que le gouvernement actuel centre gauche va perdre ses élections. Il reste beaucoup d'inconnues, notamment concernant l'appui instable au Parti du progrès. Parfois, on lui accorde 12% des voix, parfois, c'est 20%. C'est difficile de prédire quel poids il aura dans la coalition.

Q: Les Norvégiens sont-ils insatisfaits de la gauche, du Parti travailliste, ou du premier ministre Jens Stoltenberg?

R: C'est une bonne question. Si on se compare aux autres pays de l'Europe, l'économie norvégienne s'en tire plutôt bien. Il semble que ce soit l'exemple typique où les électeurs veulent simplement voir de nouveaux visages.

Q: Le Parti du progrès (Fremskrittspartiet), qui pourrait faire partie de la coalition au pouvoir, est dépeint comme un parti d'extrême droite en Norvège. Quel est son programme?

R: En fait, c'est un parti d'extrême droite "modéré". Par exemple, quand la Suisse a voté pour interdire la construction de minarets il y a quelques années, le Parti du progrès a réagi en disant que les musulmans de Norvège devraient être libres de construire mosquées et minarets au pays. D'un côté, le parti met en garde les électeurs contre une islamisation du pays, mais de l'autre côté, il a des positions plus libérales que d'autres partis d'extrême droite. Il accepte que les homosexuels puissent adopter des enfants, et leur chef s'est publiquement dite "féministe" il y a quelques mois. C'est une extrême droite "moderne", si on veut. Un autre bon exemple: en 2009, nous avons sondé les membres du Parti pour savoir s'ils croyaient que l'immigration constitue une menace sérieuse à la culture norvégienne. Seulement la moitié des membres ont répondu par l'affirmative. Si vous posiez la même question aux membres du Front national en France ou à ceux du Parti du peuple au Danemark, à peu près 100% des membres auraient dit oui.

Q: Dans ce cas, peut-on encore parler d'un parti d'extrême droite?

R: C'est une extrême droite modérée. Il met en parallèle le manque de soins aux personnes âgées et les avantages sociaux consentis aux immigrants. Il qualifie l'augmentation de l'immigration comme une menace pour l'État providence. Il utilise la rhétorique typique de la droite radicale, même s'il est plus modéré que d'autres partis du genre.

Q: Quels sont ses appuis chez les électeurs?

R: Le Parti du progrès était en seconde place après les élections de 2009. Mais à la suite des attentats du 22 juillet 2011 [l'auteur, Anders Breivik, était un ancien membre du parti], il a dégringolé dans les sondages. Fremskrittspartiet était considéré comme le plus crédible comme critique des politiques d'immigration, mais il n'y a plus vraiment d'électeurs à aller chercher en jouant cette carte. Les gens sont plus tolérants. Le parti doit trouver une nouvelle façon d'exprimer ses inquiétudes.

Q: La possibilité que le parti fasse partie du prochain gouvernement est-elle source d'inquiétude?

R: Pas vraiment. Bon, il s'agirait du gouvernement le plus à droite en Norvège depuis la Seconde Guerre mondiale. Il y a probablement des minorités qui s'inquiètent que la réunification des familles, par exemple, deviendrait plus difficile. Ou que la citoyenneté sera plus difficile à obtenir. Mais de toute façon, les conservateurs auront tellement de poids dans la coalition qu'ils ne permettront pas à Fremskrittspartiet d'avoir une influence démesurée sur les politiques d'immigration.