L'un des plus grands procès de néonazis de l'après-guerre en Allemagne a repris mardi devant un tribunal de Munich (sud) pour juger neuf meurtres racistes, mais la principale accusée est restée muette, refusant même de donner son nom.

Silencieuse depuis son emprisonnement il y a un an et demi, Beate Zschäpe, a refusé mardi de décliner son identité. «Ma cliente ne donnera aucune information sur sa personne», a indiqué l'un de ses avocats, Wolfgang Heer.

Beate Zschäpe, 38 ans, est notamment accusée d'avoir participé à dix meurtres entre 2000 et 2007, dont neuf à caractère raciste visant essentiellement des personnes turques ou d'origine turque.

Ses deux complices, Uwe Böhnhardt (34 ans) et Uwe Mundlos (38 ans), les meurtriers présumés, se sont donné la mort le 4 novembre 2011. Ils formaient le trio néonazi Clandestinité national-socialiste (NSU).

Beate Zschäpe, qui a vécu quelque 13 ans dans la clandestinité avec ses deux acolytes,  a été «impliquée dans la planification et la préparation» de ces meurtres et a donné au groupe «un semblant de légalité pour le monde extérieur», a estimé le procureur, Herbert Diemer, en lisant l'acte d'accusation.

«Des personnes originaires d'Europe du Sud, en majorité d'origine turque, ont été choisies arbitrairement et tuées par balle à la manière d'une exécution», a-t-il déclaré.

Beate Zschäpe, originaire de l'ex-RDA, restée impassible lors de cette lecture, s'est occupée de trouver «des lieux de repli sûrs» alors que les deux autres commettaient les crimes, a-t-il ajouté.

Elle est apparue sans menottes mardi, vêtue d'un tailleur-pantalon gris clair, les cheveux attachés et portant de grands anneaux aux oreilles.

Elle a aussitôt ostensiblement tourné le dos aux caméras et appareils photo, comme elle l'avait fait lors de l'ouverture du procès, le 6 mai.

La lecture de l'acte d'accusation de 35 pages n'a pu commencer que dans l'après-midi à l'issue d'une longue bataille juridique, qui a provoqué l'impatience de certains avocats des familles de victimes. Deux d'entre eux, représentant Semiya Simsek, la fille d'une victime tuée en 2000, avaient déjà dénoncé lundi «un folklore de juristes».

Entre de nombreuses interruptions de séance se sont succédé escarmouches et réclamations des avocats de la défense qui ont exigé que les audiences soient déplacées dans une autre salle du tribunal. L'un d'eux a même suggéré que le procès se tienne dans l'ancien Bundestag à Bonn, ex-capitale de l'Allemagne.

Leur requête a toutefois été rejetée.

Le 6 mai dernier, le procès avait été ajourné de huit jours, car les avocats de la défense avaient demandé la révocation de l'un des juges, une requête finalement rejetée.

Beate Zschäpe encourt une lourde peine de prison. Outre sa participation présumée aux meurtres, elle est soupçonnée d'être impliquée dans deux attentats contre des communautés étrangères et 15 braquages de banque.

Quatre autres personnes soupçonnées d'avoir fourni une aide logistique au trio néonazi sont jugées avec elle.

Le ministre turc des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu, qui a reçu les familles des victimes dimanche lors d'une visite en Allemagne, a jugé l'attitude de Zschäpe «arrogante». Pour lui, elle «a pris de haut» les familles des victimes venues en nombre à Munich.

Les avocats de Semiya Simsek ont expliqué qu'il avait été «très douloureux» pour leur cliente de constater que l'accusée donnait «l'impression d'être détendue et parfois même joyeuse».

Le procès pourrait durer environ deux ans.