Deux juges français vont enquêter sur les accusations de financement par la Libye de Kadhafi de la campagne électorale de l'ancien président Nicolas Sarkozy en 2007, lancées par le sulfureux homme d'affaires Ziad Takieddine, a annoncé vendredi à l'AFP une source judiciaire.

Le parquet de Paris a ouvert une enquête judiciaire pour «corruption active et passive», «trafic d'influence», «faux et usage de faux», «abus de biens sociaux», «blanchiment, complicité et recel de ces délits».

L'homme d'affaires franco-libanais Ziad Takieddine avait affirmé le 19 décembre détenir les preuves d'un financement par la Libye de la campagne électorale de M. Sarkozy.

En revanche, les deux juges désignés n'enquêteront pas sur le document publié quelques mois plus tôt par le site d'informations Mediapart, attribué à un ex-dignitaire libyen et affirmant que Tripoli avait accepté de financer pour «50 millions d'euros» la campagne de M. Sarkozy.

Ce volet de l'affaire en reste au stade de l'enquête préliminaire, ouverte après la plainte pour «faux et usage de faux» et «publication de fausses nouvelles» déposée par M. Sarkozy le 30 avril 2012 contre Mediapart.

Un second volet avait été ouvert en décembre 2012, après que M. Takieddine eut affirmé au juge détenir des preuves d'un financement par la Libye.

«Je n'ai pas spécifiquement évoqué la campagne présidentielle de 2007, mais un financement plus général d'hommes politiques français», a précisé M. Takieddine à l'AFP, en citant de nouveau les noms de Nicolas Sarkozy et Claude Guéant, ancien secrétaire général de l'Élysée et ex-ministre de l'Intérieur.

Il a réaffirmé qu'il existait des «éléments probants» de ce qu'il avance.

«Faire éclater la vérité»

Des perquisitions avaient été menées, fin février chez Claude Guéant et le 11 avril au domicile de M. Takieddine. Dès le lendemain, ce dernier avait réaffirmé à la presse que les preuves existaient et étaient en possession de «quatre personnes, qui ne se trouvent pas en France» Devant le juge, M. Takieddine avait affirmé avoir des «preuves que trois sociétés françaises» avaient «bénéficié en Libye de contrats pour des prestations fictives», pour «des montants qui dépassaient 100 millions d'euros», selon le PV d'audition consulté par l'AFP.

Il avait par ailleurs évoqué plusieurs rencontres, avant l'élection présidentielle de 2007, entre Bachir Saleh, alors secrétaire particulier de Mouammar Kadhafi, et Claude Guéant, alors directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy.

«M. Guéant donnait des indications bancaires à M. Saleh» qui «faisait des comptes-rendus écrits de ses visites en France destinés à M. Kadhafi», a soutenu M. Takieddine, selon lequel l'ex-premier ministre de Khalife, Mamoudhi Baghdadi, «a eu ces documents en sa possession».

Peu après la publication du document de Mediapart, entre les deux tours de la présidentielle de 2012, M. Saleh, visé par une notice rouge d'Interpol, avait précipitamment quitté le territoire français. M. Takieddine accuse M. Guéant d'avoir facilité son arrivée en France, le recevant en «VIP», puis son départ.

L'ancien ministre de l'Intérieur a réagi en évoquant de pures «affabulations».

Par ailleurs, l'avocat d'un dignitaire du régime libyen, Me Marcel Ceccaldi, avait indiqué au procureur de Paris fin janvier que quatre témoins libyens étaient prêts à témoigner. Il s'agit de Mahmoudi Baghdadi, ancien Premier ministre, Abdallah Senoussi (bien Abdallah Senoussi), ancien chef des renseignements, Saïf Al-Islam, un des fils de Kadhafi, et Dourda Bouzid, ancien ambassadeur de Libye aux Nations unies, tous détenus en Libye.

Chef du gouvernement libyen de 2006 jusqu'aux derniers jours du régime de Kadhafi, M. Baghdadi est l'un des derniers détenteurs des secrets d'État de l'ère du dictateur déchu.

Interrogé par l'AFP, l'avocat de M. Sarkozy, Me Thierry Herzog n'a pas souhaité faire de commentaire.