Les dirigeants européens s'orientaient vendredi vers un échec du sommet sur le budget de l'UE pour 2014-2020, la chancelière allemande Angela Merkel et le président français François Hollande ayant émis de sérieux doutes sur les chances de parvenir à un accord.

Les chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne ont décidé dans la nuit de jeudi à vendredi de suspendre leurs travaux jusqu'à vendredi midi, afin d'examiner une nouvelle proposition de compromis faite par le président du Conseil européen Herman Van Rompuy.

«Je pense que nous avancerons un peu, mais je doute que nous parvenions à un accord», a déclaré Mme Merkel en quittant le sommet. «Il est probable qu'il n'y aura pas d'accord à ce sommet», a estimé le président français devant quelques journalistes après sa conférence de presse.

Dès son arrivée à Bruxelles, Mme Merkel avait jugé «possible» qu'il faille un nouveau sommet pour aboutir, rejointe par les dirigeants autrichien, italien, espagnol et polonais.

Dans son nouveau projet de compromis, M. Van Rompuy a maintenu sa proposition initiale de budget à 972 milliards d'euros, soit 1,01% du PIB européen.

Mais il propose une nouvelle ventilation des fonds pour tenter d'arracher un accord. Il soustrait ainsi 20,3 milliards pris sur plusieurs enveloppes, dont 13 aux budgets pour la croissance et les grandes infrastructures, afin de les redistribuer à la politique de cohésion en faveur des pays les plus pauvres de l'Union et à la Politique agricole commune, particulièrement chère à la France.

La PAC se voit allouer 8 milliards d'euros supplémentaires et 10,6 vont à la politique pour la cohésion.

Sa première proposition avait été obtenue en réduisant de 75 milliards d'euros le projet de la Commission, qui demandait 1.047 milliards d'euros. Mais la PAC perdait 25,5 milliards d'euros, dont 13,2 pour l'enveloppe destinée aux aides directes et aux interventions sur les marchés. Ces coupes avaient été dénoncées comme inacceptables par les Français.

La cohésion voyait pour sa part son enveloppe réduite de 29 milliards.

Dans sa nouvelle proposition, M. Van Rompuy ne touche pas en revanche à l'enveloppe destinée aux dépenses de fonctionnement des institutions, notamment pour les salaires des fonctionnaires. Mais il suggère de les faire travailler 40 heures par semaine, et ceci sans augmentation.

Malgré ces efforts, ce nouveau compromis ne contente personne. «Je ne suis pas encore satisfait», a déclaré M. Hollande, en disant n'avoir été que «partiellement entendu».

Les Britanniques sont furieux. «Les chiffres qui nous sont soumis sont similaires à ceux que nous avions ce matin avant toutes ces réunions bilatérales», a commenté un diplomate britannique. «Il reste encore beaucoup à faire», a-t-il ajouté.

Le premier ministre britannique David Cameron a quitté le sommet sans faire la moindre déclaration. Soumis à une pression intense dans son pays, il aurait pu ramener une victoire à Londres avec le maintien du rabais. «Si on ne conclut pas demain, ça se dégonfle», a confié un responsable européen sous couvert de l'anonymat.

«Les marges de manoeuvre pour M. Cameron sont tellement minces qu'il est probable qu'il n'y ait pas d'accord», a estimé le président du Parlement européen, Martin Schulz.

Le sommet s'était ouvert sous haute tension avec trois heures de retard, et la volonté affichée par la plupart des dirigeants européens de défendre leurs intérêts nationaux dans une Europe en pleine crise.

La France et l'Allemagne, les deux moteurs de la construction européenne, n'avaient pas trouvé de position commune à l'issue d'une rencontre bilatérale. En outre, un rapprochement semblait se dessiner entre l'Allemagne et le Royaume-Uni en faveur de coupes plus drastiques.

«Nous n'entrons pas dans les chiffres, mais les Allemands sont sur la même position (que nous) sur les coupes dans la proposition» du président du Conseil européen Herman Van Rompuy, a indiqué à l'AFP un responsable britannique.

«Pour les Allemands, la proposition Van Rompuy est encore trop élevée», a indiqué une source gouvernementale allemande.

Selon une source européenne, Mme Merkel voudrait des coupes supplémentaires de 30 milliards d'euros. M. Cameron va encore plus loin avec des coupes de l'ordre de 40 à 50 milliards, selon des responsables européens engagés dans les négociations.

Le premier ministre britannique se veut inflexible. Il avait annoncé à son arrivée sa volonté de «négocier durement pour obtenir un bon accord pour les contribuables britanniques et européens», et affiché son refus de perdre le rabais sur sa contribution accordée à son pays.

David Cameron a aussi dans son collimateur l'enveloppe allouée à la PAC ardemment défendue par la France et les dépenses pour le fonctionnement des institutions européennes et les salaires de leurs personnels.