L'hebdomadaire satirique français Charlie Hebdo publie mercredi des caricatures du prophète Mahomet, ce qui lui a valu une rapide mise en garde du gouvernement qui craint que ses dessins n'attisent des violences en France et dans le monde musulman.    

Charlie Hebdo, dont les locaux parisiens avaient été brûlés par un cocktail Molotov en novembre 2011 après la publication en Une d'une caricature du prophète Mahomet, récidive en connaissance de cause.

Ces dessins « choqueraient ceux qui vont vouloir être choqués en lisant un journal qu'ils ne lisent jamais », a estimé son directeur, Charb, interrogé par la chaîne de télévision iTélé.

Le dessinateur a estimé que les dessins publiés en pages intérieures ne sont pas plus provocants que d'habitude. « La liberté de la presse est-elle une provocation? » a-t-il demandé. « Je n'appelle pas les musulmans rigoristes à lire Charlie Hebdo, comme je n'irais pas dans une mosquée pour écouter des discours qui contreviennent à ce que je crois », a encore dit le dessinateur.

La Une de Charlie Hebdo ne représente pas le prophète, mais « un musulman lambda avec un juif lambda », a-t-il souligné expliquant que les « services français craignaient dans le contexte (actuel) que Charlie fasse sa couverture avec une caricature de Mahomet ».

Avant même la publication du numéro, le premier ministre français Jean-Marc Ayrault a indiqué dans un communiqué qu'il désapprouvait « tout excès » et appelé à la « responsabilité ».

Le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, interrogé alors qu'il se trouvait au Caire sur l'opportunité de publier des dessins représentant Mahomet, s'est aussi prononcé « contre toute provocation ».

De son côté, le recteur de la Grande Mosquée de Paris Dalil Boubakeur a lancé un « appel au calme » et demandé « à ne pas verser de l'huile sur le feu ».

Interrogé par l'AFP, M. Boubakeur a déclaré « apprendre avec beaucoup d'étonnement, de tristesse et d'inquiétude une publication qui risque d'exacerber l'indignation générale du monde musulman ».

Le Conseil français du culte musulman (CFCM), organe représentatif de la communauté musulmane de France, s'est dit « consterné » par la publication de « dessins insultants » pour Mahomet.

Avant l'incendie de 2011, Charlie Hebdo avait déjà été menacé en 2006 lorsqu'il avait publié des caricatures de Mahomet parues dans la presse danoise qui avaient déclenché de violentes protestations dans nombre de pays musulmans.

La publication de nouvelles caricatures du prophète intervient alors que la diffusion sur l'internet d'extraits d'Innocence of Muslims (L'Innocence des musulmans), un film amateur réalisé aux États-Unis et qui décrit l'islam comme un « cancer », a déclenché des manifestations anti-américaines, parfois meurtrières, à travers le monde musulman.

Samedi, entre 200 et 250 personnes avaient pris part en France à une manifestation non autorisée près de l'ambassade des États-Unis, de l'Élysée et du ministère de l'Intérieur, un des quartiers les plus sécurisés de Paris.

Y avaient pris part quelques femmes intégralement voilées, des hommes affichant jusque dans leur tenue leurs convictions islamistes radicales, mais aussi des jeunes habillés de manière classique. La justice enquête pour identifier les organisateurs de cette action.

De nouveaux appels à manifester samedi à Paris et dans plusieurs grandes villes de France pour protester contre le film circulaient mardi sur les réseaux sociaux, a constaté l'AFP.

Il était toutefois difficile d'évaluer l'influence des relais de ces appels ou de les identifier.