L'arrivée au pouvoir des socialistes en France place sous les projecteurs plusieurs couples politico-médiatiques et relance les interrogations éthiques découlant de ce type de relation.

Beaucoup d'attention a été accordée au président François Hollande et à sa conjointe, Valérie Trierweiler, qui travaille depuis plusieurs années pour l'hebdomadaire Paris Match. Mais au moins trois ministres nommés récemment au sein du gouvernement sont aussi en couple avec des journalistes.

Une controverse a notamment été soulevée relativement à Audrey Pulvar, conjointe du ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg. Cette journaliste d'expérience a annoncé dans la foulée de sa nomination qu'elle renonçait à une émission matinale à laquelle elle participait sur France Inter.

La controverse est survenue après qu'elle eut réalisé une entrevue avec le numéro deux du Parti socialiste, Harlem Désir, dans le cadre d'une émission de France Télévisions à laquelle elle continue de participer.

L'Union pour un mouvement populaire (UMP) a exigé dans un communiqué qu'elle quitte également cette émission ou que M. Montebourg renonce à prendre part au gouvernement en reconnaissance du fait que les contribuables «ont le droit le plus strict à l'objectivité» au sein du service public.

Des membres de la communauté journalistique ont également critiqué Mme Pulvar, qui entend continuer à pratiquer son métier. Jean Quatremer, du quotidien Libération, s'est étonné qu'un socialiste «soit interviewé par la femme d'un ministre socialiste», et a évoqué une forme de «connivence».

Audrey Pulvar a rétorqué en soulignant que le directeur de l'information du journal, Nicolas Demorand, avait été vu en train de fêter dans la tente des invités VIP du camp socialiste le soir du second tour de l'élection présidentielle.

Retour d'ascenseur

En 2006, Arnaud Montebourg avait dénoncé comme un «conflit d'intérêts évident» le fait que la journaliste Béatrice Schönberg animait le bulletin d'information de France 2 malgré sa relation avec l'homme politique Jean-Louis Borloo. Elle a quitté le poste définitivement après que le politicien de droite eut été nommé ministre en 2007.

La direction de France Télévisions a indiqué il y a quelques jours qu'elle ferait le point prochainement avec Audrey Pulvar quant à ses activités professionnelles. Aucune autre entrevue politique n'est prévue à l'émission avant la fin des élections législatives, à la mi-juin.

L'hebdomadaire Le Nouvel Observateur a fait savoir de son côté qu'il avait pris des dispositions pour garantir que la journaliste Nathalie Bensahel, en couple avec le nouveau ministre de l'Éducation, Vincent Paillon, ne traite pas de sujets liés à ce secteur.

Valérie de Senneville, conjointe du nouveau ministre de l'Emploi, Michel Sapin, a demandé une rencontre avec la direction du journal Les Échos pour définir comment continuer son travail sans susciter de conflit d'intérêts. «Pourquoi abandonner du jour au lendemain ce que vous avez mis 10, 20 ans à construire?», a-t-elle déclaré à Europe 1.

Gagner sa vie

Sa volonté reflète celle de Valérie Trierweiler, qui espère pouvoir continuer à pratiquer le journalisme malgré son statut de première dame en se concentrant sur des entrevues de personnalités étrangères.

«Je suis et je reste une passionnée d'information. Je connais la politique, je connais les médias [...]. De plus, j'ai besoin de gagner ma vie, d'avoir mon indépendance», a-t-elle plaidé récemment.

La secrétaire générale du Syndicat des journalistes (SNJ), Dominique Praladié, se dit étonnée que des journalistes en couple avec des politiciens rechignent à limiter ou suspendre leurs activités pour éviter tout conflit d'intérêts. «Ça devrait être automatique», souligne-t-elle.

Il est «ridicule», selon Mme Praladié, de croire que Valérie Trierweiler puisse continuer à pratiquer le journalisme pendant que François Hollande est au pouvoir puisque tous les sujets le concernent par sa fonction.

«Quand on se met en couple avec un politicien, il faut prévoir que la progression de sa carrière risque de susciter des situations problématiques. Ce n'est pas quand on a le nez dessus qu'on doit en tirer les conséquences», souligne la secrétaire générale du SNJ.